1910-2010, L’EXPLOSION DÉMOGRAPHIQUE

Un aspect rarement évoqué quand on traite des questions liées à l’écologie, au réchauffement climatique, à la faim dans le monde, à l’étiologie de certaines maladies dans les sociétés développées, etc., est celui de la croissance de la population mondiale à partir de 1800 et, tout particulièrement, son caractère explosif depuis 1910/1920. Pour bien saisir cet accroissement il suffit de se pencher sur les donnes disponibles [1] [2] [3] concernant, Table 1, la population mondiale estimée à partir de l’année 1000 en milliards d’habitants, le taux de croissance en millions d’individus/an, la population cumulée à partir de l’an 1000 en milliards d’individus et la population cumulée normalisé à la population cumulée en 2010. Bien entendu, tous les chiffres disponibles avant la période moderne sont sujets à caution mais donnent, néanmoins, une idée assez précise de l’évolution de la population [4].

 Table 1 : Population mondiale en milliards (Mrd, 103 M), taux de croissance moyen
en M (million)/an, la population cumulée à partir de l’an mil
et la population cumulée normalisée.

Table 1

La colonne « taux de croissance » donne, pour une durée comprise entre deux dates successives l’augmentation (diminution) de la population par an. Bien entendu, la valeur ainsi obtenue est « lissée » d’autant plus que la durée entre deux dates successives est importante et « cache » donc de possibles phénomènes ponctuels causés par des épidémies, conflits, désastres naturels, famines, etc. Ceci étant dit, on observe que le taux de croissance est toujours positif sauf pendant la durée comprise entre 1250 et 1400 d’une part et entre 1600 et 1650 d’autre part. On voit aussi qu’à partir de 1750 le taux de croissance qui flirtait parfois avec un million/an (M/an) augmente considérablement et atteint presque quatre M/an pour ne cesser d’augmenter ensuite et atteindre une moyenne de 87 M/an entre 1980 et 1985. Or, ce nombre correspond à la « naissance » chaque année et pendant cinq ans d’un pays comme le Mexique de 1992, soit, au total 435 millions d’individus ! Les décennies de la Première (1910-1920) et la Seconde guerre mondiale (1940-1950) ne font  apparaitre qu’un léger infléchissement du taux de croissance qui reste toujours croissant à un rythme soutenu avec plus d’un doublement, de 21,9 à 47,6 millions par an, en seulement cinq ans de 1950 à 1955. Le maximum est atteint entre 1980 et 1985 avec le chiffre énorme de 87 millions par an de nouveaux habitants de la planète. Le taux de croissance à partir des années soixante-dix ne semble pas avoir eu à subir non plus de la politique vigoureuse de contrôle de naissances mise en place en Chine (0,547 Md d’habitants en 1970) et de en Inde (0,818 Md d’habitants en 1970) qui a commencé à être appliquée respectivement à partir de 1970 et 1975. Ceci en dépit du fait que la population de ces deux pays réunis correspondait en 1970 à plus de 37 % de la population mondiale, estimée à 3,7 milliards d'individus.  

La courbe de la Figure 1 montre la population en fonction du temps pour les données du Tableau 1. On voit que les périodes de « dépeuplement » - taux de croissance négatifs - ne modifient en rien la tendance naturelle à la croissance à long terme. Cependant, cette tendance naturelle n’a fait que s’accélérer  puisqu’il a fallu presque six siècles, entre 1000 et 1570 approximativement, pour doubler la population de l’an mil de notre ère, tandis qu’à partir de cette dernière date les périodes requises pour un doublement de la population se raccourcissent considérablement : il aura suffi de 263 ans (de 1569 à 1832), de 106 ans (de 1832 à 1938) et de 37 ans (de 1938 à 1975) pour que ce doublement s’accomplisse ensuite. En extrapolant la courbe au-delà de 2010 il faudrait environ 43 ans – vers 2018 - pour doubler la population de 1975 (de 4 Mrd d’individus supplémentaires, ce qui est énorme !) dans une hypothèse de continuité (business as usual [5]) de la croissance.  

Figure 1Figure 1 : Population annuelle mondiale estimée en milliards (Md) en fonction du temps pour le dernier millénaire. Les traits verticaux rouges indiquent les dates approximatives correspondant à un doublement de la population. Les flèches et les nombres qui leur sont attachés indiquent les durées correspondant à un doublement de la population. La population prévisible pour l’année 2026 a été obtenue en extrapolant linéairement la pente entre 1975 et 2010, ce qui donne une valeur de 8,128Md. Cette extrapolation n’est pas très éloignée de celle proposée par les Nations Unies dans le cas d’une croissance médiane (8,083 en 2025)

Considérer la population cumulée présente plusieurs avantages : on peut tenir compte éventuellement des effets cumulatifs associés aux activités humaines les plus élémentaires – respiration, alimentation - sur l’environnement et on amorti les effets des fluctuations de la courbe de population que l’on observe sur la Figure 1. La Figure 2 montre la population cumulée en fonction du temps à partir de l’année 1000 jusqu’en 2010. On  note que la croissance est presque linéaire entre 1000 et 1500, suivie par une remontée remarquable qui se prolonge par une croissance qui peut être approchée aussi linéairement à partir de 1975. Il est intéressant de souligner que la remontée de la courbe de population cumulée au-delà de l’année 1500 correspond au début de la période historique que l’on convient d’appeler « époque moderne [6] », tandis que la partie montante finale prend naissance au début du XXe siècle et correspond à l'« époque contemporaine » dont on donne comme point de départ la fin de la première guerre mondiale (1918). L’intersection des deux zones linéaires extrêmes se produit en effet autour de l’année 1910 comme il est indiqué sur la figure.  

Figure 2Figure 2 : Courbe de la population mondiale cumulée estimée à partir de l’an mille, pris comme référence. Les lignes droites rouges pointillées sont les tangentes ajustées tracées aux deux extrémités. Elles se croissent effectivement autour de l’an 1910. Cette courbe montre qu’il a fallu plus de 850 ans pour atteindre une population cumulée de 400 Mrd d’âmes vers 1850, et seulement moins de 150 pour la doubler ensuite. En partie supérieur on a indiqué en couleur dégradé la fin de la période médiévale – de 1000 à 1500 – la période moderne – de 1500 à 1900 (1920) – et la période contemporaine après 1900 (1920).

L’ajustement linéaire [7] de la zone « médiévale » - entre 1000 et 1500 – et sa prolongation jusqu’à l’année 2010 abouti à une population cumulée de grosso modo 338 Mrd pour un taux de croissance moyen 0,285 M individus. Les époques moderne et contemporaine sont donc responsables d’une surpopulation cumulé de quelques 500 Mrd d’individus par rapport à celle que notre planète aurait dû supporter si les années moyenâgeuses s’étaient prolongées jusqu’à maintenant. Par ailleurs, l’ajustement linéaire de la zone terminale - entre 1975 et 2010 - montre qu’il aurait fallu, dans une planète vide de tout être humain, seulement 150 ans - de 1860 à 2010 - pour achever avec un taux de croissance moyen de 80.5 M la population cumulée correspondant à celle de 2010. Entre ces deux époques - la médiévale et la contemporaine -  le taux de croissance moyen a augmenté d’un facteur proche de 300 (80,5/0,285).         

Les conséquences de cette augmentation de la population au cours de l’époque contemporaine sont considérables comme nous le verrons par la suite. Cette croissance n’est pas, bien évidemment, la même pour tous les pays. De façon à pouvoir comparer des pays qui ont des populations très différentes par des ordres de grandeur (facteur de 10 ou 100) on a calculé à partir des valeurs fournis par le Nations Unis [8]  le pourcentage de croissance relative à la population [9] de 1950  pour les cinq pays les plus grands producteurs de CO2 – Chine, Etats-Unis, Inde, Russie et Japon – et le pays le plus pauvre et le plus petit producteur de CO2, le Mali. Nous avons ainsi, trois grandes puissances - États-Unis, Russie et Japon – deux pays émergents – Chine et Inde -  et le Mali, représentant le quart monde. La Figure 3 présente les courbes de ces six pays et celle correspondant à la population mondiale à titre de comparaison.


Figure 3Figure 3 : Courbes de croissance relative à la population en 1950, en %, en fonction des années pour la période 1950-2010.

La croissance relative de la population en Inde a été en augmentation tout au long de cette période, égale à celle du monde jusqu’en 1965 et supérieure au-delà. Celle de la Chine se maintient très proche de celle du monde et incline vers une tendance à la baisse à partir de 1975, probablement à la suite de la politique du contrôle de naissances mis en place en 1970. Elle reste cependant toujours croissante mais moins rapidement que celle du monde à partir des années 1990. Les États-Unis, le Japon et la Fédération de Russie, surtout ces deux derniers, ont des croissances bien inférieures à celle de la population mondiale et dans le cas de la Russie il se produit même une décroissance relative à partir de 1990. La population du Mali suit une courbe tout à fait différente de celle des cinq autres pays. Le plus extraordinaire est qu’elle se maintient en dessous de la croissance mondiale jusqu’à l’an 2000 et la dépasse ensuite pour atteindre exactement celle de l’Inde dix ans après.

Il est intéressant de se pencher sur les deux cas extrêmes, celui de l’Inde, population 1 224 614 000 en 2010, et du Mali, population 15 370 000 la même année, soit pratiquement 80 fois moins d’habitants, avec presque la même croissance, de l’ordre de 240% au cours des dernières soixante années. En utilisant toujours les précieux indicateurs des Nations Unies et de la Banque Mondiale  nous avons tracé la croissance relative, par rapport à la population existante en 1950, en fonction de la fécondité, en nombre d’enfants par femme en âge de procréer (Figure 4). 

On peut clairement distinguer trois types de « comportement ».  Celui du Japon et de la Russie peut être qualifié de « vertueux » puisque leur fécondité diminue de pratiquement 3 enfants/femme en 1950 à 1,5 enfants/femme en 2010 avec comme conséquence une stabilisation de la population ou, dans le cas de la Russie, une faible mais significative diminution. Figure 19Figure 4 : Croissance, relative à la population en 1950, en fonction de la fécondité en nombre d’enfants par femme entre l’âge de 18 et 50 ans.

Le cas des États Unis et de la Chine pourrait être dit « raisonnable » puisque la fécondité diminue aussi mais d’une façon plus spectaculaire, surtout dans le cas de la Chine où l’on passe de 6,1 à 1,5 enfants/femme en l’espace de 60 ans, mais surtout pendant la décennie comprise entre 1970 et 1980 où la fécondité diminue de moitié, de 6 à 3 enfants/femme, suite à la mise en place de la politique de contrôle de la natalité. Cependant, aucun des deux pays n’atteint une stabilisation de la population, qui continue à croitre, mais plus fortement en Chine qu’aux États-Unis. Finalement, le troisième type, représenté par l’Inde et le Mali, est très éloigné de deux autres et se caractérise par une fécondité « débridée [10] » et une croissance qui s’accélère, comme l’indique l’écartement entre deux points successifs vers le haut des courbes. Dans le cas de l’Inde, même si la fécondité diminue d’une manière plus suivie que pour la Chine, elle n’est pas suffisante pour enrayer la croissance puisque la population en 2010 est 2,4 fois supérieure à celle en 1950. Dans le cas du Mali, la fécondité augmente de 6,48 à 7,09 enfants/femme entre 1950 et 1990 pour diminuer ensuite et atteindre à nouveau le niveau de 1950 en 2010. Cependant, comme on le voit pour ces deux pays, et comme nous l'avons signalé, l’augmentation relative de la population s’accélère avec le temps et dépasse la moyenne mondiale (voir Figure 3). Comment expliquer que pour l’Inde il y a un net ralentissement de la fécondité, sans que ce ralentissement ait une conséquence remarquable sur la diminution éventuelle de la croissance ? On peut se demander quel est le « moteur » qui détermine cette croissance continue. Pour essayer d’y répondre on a porté sur la Figure 5 les courbes de fécondité et de mortalité pour ces deux pays.

Il apparait de manière claire que dans le cas de l’Inde, le taux de fécondité diminue de manière continue, passant de 5,90 à 2.73 en 60 ans, soit une diminution de 54 %. Cependant, cette diminution de la fécondité se voit largement « compensée » par celle du taux de la mortalité qui passe de 25,5 à 8,2, soit une diminution de 68 % pour la même période de temps. C’est donc la diminution de la mortalité qui semble être le responsable de la forte croissance indienne. Ceci est aussi le cas pour le Mali puisque c’est la spectaculaire diminution du taux de mortalité, de 34,7 à 15,5 pour mille personnes, soit une diminution de presque 55 % en 60 ans (de 1950 à 2010) qui justifié la très spectaculaire augmentation de la population puisque le taux de fécondité varie très peu, un peu supérieur à 6 enfant/femme au cours de la même période.            Figure 22Figure 5 : Taux de fécondité (nombre de naissances par femme) et de mortalité (pour 1 000 personnes) en fonction du temps pour le Mali et l’Inde.

Comparons ces deux comportements avec celui du Japon, que nous avons qualifié de « vertueux », Figure 6. On voit que la mortalité a évolué entre 9,41 et 8,79 avec un creux de 6,25 pour 1000 personnes pour la période 1975-1980. Dans le même temps la fécondité diminue très progressivement pour atteindre 1,32 enfants/femme en 2005-2010. L’Inde n’est pas trop éloignée de ces nombres puisqu’elle se trouve au cours de la même période avec une mortalité de 8,25 pour 1000 personnes et une fécondité de 2,73 enfants/femme. Le Mali est en revanche très éloigné avec une mortalité de 15,5 pour 1000 personnes et une fécondité de 6.46 enfants/femme.     

Si l’on voulait être cynique on pourrait dire que le contrôle de naissances et la diminution de la fécondité totale ne sert à rien si les conditions de vie et de santé s’améliorent au point de provoquer une augmentation de la durée de vie et une chute de la mortalité qui annihileraient l’effet de la baisse de la fécondité sur la croissance de la population. Cet effet est encore plus visible si l’on considère l’espérance de vie à la naissance entre 1950 et 2010 pour les deux pays considérés, Figure 7 (http://esa.un.org/unpd/wpp/unpp/panel_indicators.htm). Dans le cas de l’Inde l’augmentation de l’espérance de vie a été continue de 1950 à 2010, tandis que le Mali n’a pas connu d’augmentation pendant une quinzaine d’années et a ensuite progressé très rapidement pour atteindre la même croissance globale que l’Inde.
Figure 21
Figure 6 : Taux de fécondité, nombre de naissances par femme (en gris), et de mortalité,
nombre pour 1 000 personnes (en noir) en fonction du temps pour le Japon.
Figure 7

Figure 7 : Espérance de vie à la naissance (en années) pour le Mali (bleu)
et pour l’Inde (rouge) en fonction du temps.

Il n’est pas dans notre propos d’essayer d’expliquer le pourquoi de l’évolution passée de la croissance de la population qui, comme on vient de le voir fait intervenir deux facteurs concurrents : d’une part la fécondité et d’autre part la mortalité, mais il nous semble intéressant d’apporter quelques éléments de réflexion.

Il parait évident que la croissance de la population depuis les années 1910-1920 est le résultat direct des progrès accomplis dans le domaine médical – qu’il s’agisse des moyens de dépistage et traitement des maladies, de la vaccination, de la pharmacopée, de la chirurgie, des greffes, des implants (stents, valves et stimulateurs cardiaques), de la prévention, de l’hygiène, etc. – d’une part et, d’autre part, dans le domaine alimentaire puisqu’il a bien fallu augmenter la production agricole pour sustenter les habitants de la planète. La santé et l’alimentation sont les deux mamelles de la croissance.

En ce qui concerne la deuxième « mamelle » force est de constater que les prévisions de Thomas-Robert Malthus dans son « Essais sur le principe de population [11] » ont été démenties par la croissance dont l’humanité a été témoin, par exemple pendant la période comprise entre 1938 et 1975 au cours de laquelle la population a doublée passant de 2 à 4 milliards d’habitants. En effet, Malthus écrivait en 1798 que « … mille millions d'hommes doubleront en vingt ans en vertu du seul principe de population, tout comme mille hommes. Mais on n'obtiendra pas avec la même facilité la nourriture nécessaire pour faire face au doublement de mille millions d'hommes! Une place limitée est accordée à l'être humain. Lorsque tous les arpents ont été ajoutés les uns aux autres jusqu'à ce que toute la terre fertile soit utilisée, l'accroissement de nourriture ne dépendra plus que de l'amélioration des terres déjà mises en valeur. Or cette amélioration ne peut faire des progrès toujours croissants, bien au contraire. A l'opposé, partout où elle trouve de quoi subsister, la population ne connaît pas de limites, et ses accroissements sont eux-mêmes les causes de nouveaux accroissements ! ». Deux mille millions d’êtres humains ont doublé en trente-sept ans pour atteindre le chiffre faramineux pour Malthus de quatre mille millions ! Ceci a pu être accompli puisque la production de nourriture, sous forme de céréales, a effectué, au cours de la période considérée, des progrès toujours croissants grâce au développement des engrais, des pesticides (produits phytosanitaires), des semences, de l’irrigation, de la mécanisation, de la distribution, etc. Ces progrès ont eu naturellement un impact sur l’élevage animal puisque en mettant à sa disposition de grandes quantités de grains (il faut de l’ordre de 10 kilos de céréales pour produire un kilo de viande) cette ressource a pu se développer considérablement et en parallèle. Sans compter avec les apports de la science vétérinaire et, en particulier, avec la généralisation de la vaccination. 

Là où Malthus avait raison -  les données des dernières 150 années le prouvent - est que « … partout où elle (la population) trouve de quoi subsister, (elle) ne connaît pas de limites, et ses accroissements sont eux-mêmes les causes de nouveaux accroissements ! » Ces paroles sont les plus sensées de Malthus.   

Dans ces conditions on peut être pessimiste sur un avenir de l’humanité basé sur un accroissement constant  du nombre d’habitants de la planète. Spéculer sur la poursuite éventuelle de la croissance à l’avenir est un exercice délicat et nous invitons le lecteur à consulter le site des Nations Unies [12][13] pour voir comment, même pour les organismes les plus sérieux, il est difficile de prévoir avec une marge d’erreur raisonnable la population de la planète à l’horizon de 2050 et encore moins en 2100. Ainsi, suivant les hypothèses - haute, médiane ou basse – on nous promet [14] une population de 10,868, 9,550  ou 8,341Mrd en 2050 et de 16 641, 10,853 et 6,750 Mrd en 2100! L’écart entre les valeurs hautes et basses est « seulement » de  2, 5 Md en 2050 et 10 Mrd en 2100. L’incertitude pour les prévisions de 2050 est, à quelque chose près, le total de la population mondiale en 1950, et pour 2100 rien de moins que 10 Mrd !

Ce qui nous parait certain aujourd’hui est que la population mondiale s’est accrue de manière explosive pendant le dernier siècle et qu’elle risque de s’accroitre encore à l’avenir. Cette croissance a nécessité l’augmentation des ressources alimentaires, ce qui a été accomplie de manière remarquable, en dépit des discours faisant l’apologie de la « mal bouffe » dans les pays riches, puisque l’on a réussi à nourrir convenablement plus de six des sept milliards d’individus en 2011[15] [16]. En effet, même si le nombre de personnes sous-alimentés n’a diminué que de 20% entre 1990 et 2014, passant de 1,015 à 0,805 Mrd, le pourcentage par rapport à la population mondiale n’a fait que diminuer, Table 2, passant de 19 à 11 % aux mêmes dates . L’un, sinon le plus important, des défis pour les années à venir est de faire en sorte que ce nombre, qui paraît irréductible, diminue considérablement.  

Table 2 : Nombre et pourcentage par rapport au total de personnes sous-alimentées
(données http://www.fao.org/hunger/hunger-home/fr/).
Table 2

Quelles ont été les conséquences de ce processus de croissance de l’humanité et, en particulier, quel a été son impact sur les émissions de CO2 ?  C’est le sujet que nous traitons dans le prochain chapitre.       

Conclusions du chapitre

L’examen des données disponibles montre que :

1)      la population annuelle mondiale a augmenté de manière extrêmement rapide depuis le milieu du XIXe siècle, plus précisément elle a doublé, passant de 1 à 2 Mrd entre 1830 et 1930, et de 2 Mrd à 7 Mrd entre 1930 et 2010, soit une augmentation de 3,5 fois en seulement 80 ans,

2)      en termes de population cumulée on peut distinguer :

a)      une période assez longue, entre l’an 1000 et 1500 correspondant à la fin de l’« époque médiévale » avec une augmentation lente pratiquement linéaire,

b)      elle est suivie par une période de transition entre l’année 1500 et le milieu du XXe siècle correspondant à l’époque dite « moderne »,

c)      et depuis le milieu du XXe siècle une période de très forte augmentation pratiquement linéaire.   

3)      la croissance pendant la période contemporaine aurait permis d’atteindre la population cumulée entre l’an mille et 2010 en seulement 150 ans,

4)      la croissance pendant la période contemporaine est le résultat direct des progrès accomplis dans le domaine médical d’une part et, d’autre part, dans le domaine alimentaire puisqu’il a bien fallu augmenter la production agricole pour sustenter les habitants de la planète,

5)      la croissance pendant la période contemporaine a été le résultat de la diminution de la fécondité et de l’augmentation de la durée de vie (baisse de la mortalité),

6)      il y a une forte disparité entre les populations les plus développés (~ 1 milliard) et les moins développées (~6 milliard).

Daniel H. Fruman
Texte et Images dans l'ensemble du site © Daniel H. Fruman sauf si explicitement signalé

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Notes et références
[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/Population_mondiale.

[2] http://www.planetoscope.com/natalite/5-croissance-de-la-population-mondiale-sur-terre-naissances---deces-.html
[3] http://web.archive.org/web/20110623122056/http://www.census.gov/ipc/www/worldhis.html
[4] https://cours.univ-paris1.fr/pluginfile.php/242710/mod_resource/content/1/1-HPM%20Introduction.pdf
[5]business-as-usual” baseline case, which assumes that future development trends follow those of the past and no changes in policies will take place (http://www.ipcc.ch/ipccreports/tar/wg3/index.php?idp=286).
[6] http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89poque_moderne#P.C3.A9riodisation_longue_de_l.27.C3.89poque_moderne (voir Périodisation longue de l'Époque moderne).
[7] Population cumulée (t) = 0.3343*(t-1000)
[8] http://esa.un.org/unpd/wpp/unpp/panel_population.htm
[9] Le pourcentage de croissance relative à une population donnée P1950 au temps test (en %) : 100*(Pt- P1950)/ P1950
[10] Le terme « débridé » est ici utilisé par comparaison à d’autres pays et n’a pas une consonance péjorative.
[11] Thomas-Robert Malthus (1798), Essai sur le principe de population, Préface et traduction par le docteur Pierre Theil, p.  10
[12] http://www.un.org/News/fr-press/docs/2011/Conf110503-ZLOTNIK.doc.htm
13] http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=30521#.VM-cqmF0yUl
[14] http://fr.wikipedia.org/wiki/Population_mondiale
[15] http://www.fao.org/docrep/017/i3027f/i3027f02.pdf
[16] http://www.fao.org/docrep/x4400f/x4400f10.htm. Dans ce rapport « La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 2000 «  issu par la FAO il est écrit en introduction que « La population de la planète dépasse actuellement le cap des 6 milliards d'humains, disposant chacun de quelque 2 700 calories par jour, alors qu'en 1950, elle était d'environ 2,5 milliards de personnes disposant de moins de 2 450 calories. C'est dire, qu'en 50 ans, l'augmentation de la production agricole mondiale a été 1,6 fois plus importante que la production totale atteinte en 1950, après 10 000 ans d'histoire agraire » ce qui est suffisamment clair et explicite.16].

Commentaires (2)

MOTTE Jean-Claude
  • 1. MOTTE Jean-Claude | 17/02/2018
Tout d'abord, je suis comblé par cette étude qui va m'être très utile pour une conférence sur le paradoxe de Fermi, en particulier sur le dernier terme de l'équation de Drake ( durée de vie d'une civilisation technologique).
Toutefois, j'ai un problème : je n'arrive pas à comprendre le calcul de la population cumulée, par exemple dans le tableau 1 de "L'explosion démographique" : mille mercis pour une explication!
Cordialement,
Jean-Claude MOTTE
daniel-h-fruman
  • daniel-h-fruman | 19/02/2018
La population cumulée est calculée par la méthode des trapèzes. Soit, entre l'année 1000 et 1100 : =(0,254+0,301)*100/2=27,75 et ainsi de suite. J'espère que ceci vous permettra d'avancer dans vos travaux. Bien à vous, DHF

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Date de dernière mise à jour : 15/04/2017

8 000 000 000

Le 11 juillet dernier l’ONU[1] nous faisait connaitre que « La population mondiale devrait atteindre 8 milliards [huit mille millions] d'habitants le 15 novembre 2022 ». En 2015, quand je me suis engagé dans la construction de ce site, nous n’étions que 7,38 milliards, ce qui représente « grosso modo » une augmentation de quelque 620 millions en huit ans (2015 à 2022 comprises), soit une croissance de plus de (620/7) 89 millions/an. Entre ces deux dates il y a eu un accident - la Covisd-19 en 2020 et 2021. Il fut la cause d’une diminution par rapport à la moyenne - suivi, si l’on croit les annonces de l’ONU, par une spectaculaire augmentation, estimée[2],  au bas mot, à 123 millions en 2022 (Table 1).

Table 1 – Évolution de la population mondiale entre 2015 et 2022
Données d’après
https://population.un.org/wpp/Download/Standard/MostUsed/                                    

ANNÉE

POPULATION

AUGMENTATION

2015

7 383 240

 

2016

7 469 955

86 715

2017

7 556 993

87 038

2018

7 642 651

85 658

2019

7 724 928

82 277

2020

7 804 974

80 045

2021

7 876 932

71 958

2022

8 000 000*

123 068

 

MOYENNE

88 109

     *  Estimation

Entre ces deux dates  les émissions de CO2[3]sont passées (arrondies au digit supérieur) de 33 à 36,3[4] Gt. Un calcul très simple montre que, si l’on considère les erreurs intrinsèques à l’estimation de ces chiffres, rien n’a changé entre les discours emphatiques et prometteurs de la COP 21 en 2015 et aujourd’hui.

En effet, la Table 2 résume ces données et montre que la moyenne des émissions de CO2 par tête d’habitant de la planète reste sensiblement la même, en dépit de la diminution des activités et l’augmentation des décès dus à la COVID-19 et ses variantes de 2020 à 2022.

Table 2 – Population et émissions de CO2 en 2015 et 2022
Données d’après
https://www.iea.org/reports/global-energy-review-co2-emissions-in-2021-2

ANNÉE

POPULATION

ÉMISSIONS CO2

ÉMISSION CO2 /HABITANT

 

Md

Gt

t

2 015

7,38

33,00

4,50[5]

2 022

8,00*

36,30*

4,54

*  Estimation

Ceci veut dire aussi que les décès ne compensent pas les naissances, qui se poursuivent inexorablement, même si la fécondité a diminué globalement, passant de 3,2 à 2,4 enfants/femme[6] entre 1990 et 2020. Et qui plus est, ces nouveaux nés arrivent en apportant, probablement à leur corps défendant,  une contribution aux émissions de CO2 presque égale à la contribution moyenne de chacun des êtres humains vivants au moment de leur naissance.  Elle est par ailleurs supérieure à celle déclarée nécessaire (2t), au cours d’une émission récente sur Public Senat, pour la subsistance d’un bébé[7].  Cette donnée est cependant 30 fois inférieure à celle annoncée (58.6 t) par une étude suédoise[8] de 2017. Contentons-nous donc de la statistique globale de la Table 2 et admettons que les petits émettent autant que les grands !

Ces 620 millions (9% de la population totale de 2015) de petits et jeunes enfants, dont l’âge maximale est inférieur à 7 ans, ne devraient pas contribuer substantiellement à une quelconque augmentation de la richesse, puisqu’ils ne sont pas en âge de le faire. Or, la Table 3 montre qu’entre 2015 et 2022 la population a augmenté de 9%, le PIB mondial de plus de 30% et celui per capita (dont les 620 millions de petits de moins de sept ans) de 20% ! Et ceci en dépit des conséquences de la « guerre » contre la Covid-19, qui aurait dû se traduire par, a minima, une stagnation de la richesse mondiale et une diminution des émissions de CO2

Table 3 – Population et PIB en 2015 et 2022
Données d’après
https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.GDP.MKTP.CD et https://thedocs.worldbank.org/en/doc/18ad707266f7740bced755498ae0307a-0350012022/related/Global-Economic-Prospects-June-2022-Chapter-1-Highlights-FR.pdf

ANNÉE

POPULATION

PIB MONDE

PIB/HABITANT

 

 

Md

1000*Md $

$

 

2 015

7,34

75,23

10 249,32

 

2 022

8

98,89

12 360,86

 
 

9

31,4

20,6

AUGMENTATION %

 

Quoi conclure de ces chiffres ?

Si l’on est optimiste on aurait tendance à dire qu’en dépit du « cataclysme[9] » de la Covid 19 tous les indicateurs de croissance - population, richesse (PIB), émissions[10] de CO2, espérance de vie à la naissance, etc. – sont au vert et qu’ils risquent de continuer ainsi et se stabiliser, avec un peu de chance, quand « la fécondité étant en baisse » « Le nombre de personnes habitant sur la planète devrait … avoisiner les 11 milliards à la fin du siècle[11]»

Si l’on est pessimiste on pourrait espérer un vrai « cataclysme[12] », qui dépasserait en magnitude et gravité celui qui nous est prédit depuis plus de trente ans par les 26 COPs successives.

La guerre en Ukraine, dont les prémices - en termes stratégiques, économiques (micro et macro), financiers, politiques, sociétales, etc. – se font sentir avec une acuité peu courante pourrait être le déclencheur (détonateur ?) d’un nouveau paradigme de l’humanité. Et seulement de l’humanité puisque notre planète est, et restera encore pour des milliards d’années, totalement indifférent à notre existence, comme elle l’a été au cours des milliards d’années qui ont précédé notre présence pensante sur la mince croute terrestre.  

                                                                                                                             Daniel H. Fruman
                                                                                                                             14/08/2022

[2] La population en 2022 ne tient pas compte de l’augmentation probable entre le 15/11 et le 31/12/2022.

[4] On a pris la valeur des émissions en 2021puisque l’on n’a pas trouvé encore des estimations pour 2022. On peut cependant prévoir qu’elles seront beaucoup plus élevées. 

[5] En 2019 les émissions per capita en France étaient identiques à la moyenne monde - 4,469 t - suivant les données de la Banque Mondiale https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/EN.ATM.CO2E.PC?locations=FR

[5] Émission Sens Public sur Public Senat du 21/07/2022 22:00. « Un bébé 2t/an »

[7] Émission Sens Public sur Public Senat du 21/07/2022 22:00. « Un bébé 2t/an »

[9] « Le cataclysme du Covid-19 doit servir de catalyseur pour redéfinir notre politique du grand âge » (lemonde.fr). Bouleversement causé par un tremblement de terre, par un cyclone et par extension Désastre, bouleversement complet dans la situation d'un État, d'un groupe, d'une personne ; catastrophe.