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LE BéABA DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Voici un sujet dont le matraquage médiatique est devenu constant. Sa complexité est immense mais les organes dits d’information ne font que transmettre des messages synthétiques, généralement biaisés, destinés à créer dans le public un « climat » (c’est le cas de le dire) propice à alimenter les pulsions catastrophistes et apocalyptiques. Ainsi, quand Science et Avenir [1] fait savoir à ses lecteurs que 2011 a été l’année la plus chaude dans l’Arctique depuis 50 ans la revue oublie de signaler que, d’une part, il y a eu 50 ans pendant lesquels la température a été inférieure, et, d’autre part, qu’il y a 50 ans on ne se préoccupait pas du réchauffement climatique. De même, Le Monde [2] annonce (AFP 27/12/2011) que l’année 2011 a été la plus chaude en France depuis un siècle ce qui pourrait aussi se lire avec optimisme puisque on a eu un siècle avec des températures inférieures.   

 C’est vrai qu’il y a plus de chances de voir la vie anéantie sur notre planète à cause de nous-mêmes, de notre population en particulier, qu’à cause d’un quelconque dessein divin, d’une météorite baladeuse, du calendrier aztèque ou du changement  de millénaire…

 À part le fait, qui semble parfaitement avéré, d’une augmentation des gaz à effet de serre (GES) due aux activités humaines (anthropiques) au cours des dernières cent cinquante années et d’une augmentation de la température qui semble être sa conséquence, rien ne permet de dire aujourd’hui quelles seront les effets sur l’avenir de l’homme et de la planète dans le moyen et long terme – entre la centaine et le millier d’années. Le débat autour des scénarii plus ou moins catastrophistes élaborés par des experts du climat et de l’ économie – les uns ne peuvent rien faire sans les autres – est assez chaud (ce qui est normal vu le sujet) quand on tient compte des incertitudes associées à toute prévision. Il faut dire que les économistes d’une part et les météorologues d’autre part (ne pas confondre avec les climatologues de plus récente naissance) ne nous ont pas habitués à des prédictions de grande qualité.

 Dans ce contexte notre intention est de fournir les informations qui nous paraissent utiles « à l’honnête homme » pour se forger une opinion sur ce sujet controversé.     

 Qu’est-ce l’effet de serre

La définition de l’effet de serre donnée dans l’Annexe II du Rapport de Synthèse « Changements Climatiques 2007 [3] du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) est la suivante : « Les gaz à effet de serre absorbent efficacement le rayonnement infrarouge thermique émis par la surface de la Terre, par l’atmosphère elle-même en raison de la présence de ces gaz et par les nuages. Le rayonnement atmosphérique est émis dans toutes les directions, y compris vers la surface de la Terre. Par conséquent, les gaz à effet de serre retiennent la chaleur dans le système surface-troposphère : c’est ce qu’on appelle l’effet de serre. Dans la troposphère, le rayonnement infrarouge thermique est étroitement lié à la température de l’atmosphère à l’altitude à laquelle il est émis, cette température diminuant en général avec l’altitude. En fait, le rayonnement infrarouge émis vers l’espace provient d’une altitude où la température est en moyenne de – 19 °C, en équilibre avec le rayonnement solaire net incident, alors que la surface de la Terre se maintient à une température beaucoup plus élevée, de + 14 °C en moyenne. Une augmentation de la concentration de gaz à effet de serre accroît l’opacité de l’atmosphère au rayonnement infrarouge et entraîne donc un rayonnement effectif vers l’espace depuis une altitude plus élevée et à une température plus basse. Il en résulte un forçage radiatif qui entraîne un renforcement de l’effet de serre; c’est ce qu’on appelle l’effet de serre renforcé. »

Pour un non spécialiste, ou quelqu’un n’ayant pas une formation scientifique, cette définition reste assez obscure et ne permet pas de relier les GES à l’augmentation de la température de la planète. Thomas Schelling, prix Nobel d’Économie en 2005, donne une explication plus simple que nous transcrivons ci-dessous [4] : « Si l'on fait passer une lumière infrarouge à travers une chambre en verre remplie de dioxyde de carbone, on a moins de lumière à la sortie qu'à l'entrée parce que certaines longueurs d'onde, dans la partie infrarouge du spectre, sont interceptées par des molécules de dioxyde de carbone. Si l'on compare la différence entre la lumière qui pénètre d'un côté et celle qui sort de l'autre, on constate une corrélation avec la hausse de la température du gaz ayant intercepté le rayonnement infrarouge. Cela fait cent ans que ce phénomène est connu : ce qu'on appelle les gaz à effet de serre - le dioxyde de carbone en particulier - absorbent, ou interceptent, le rayonnement infrarouge. La Terre étant exposée au soleil durant le jour, il faut qu'elle se débarrasse de cette énergie pour éviter le réchauffement pla­nétaire. Elle le fait sous forme de rayonnement infrarouge. Ainsi, ce qui permet à l'atmosphère de conserver une température d'équilibre, c'est la capacité de la Terre à se débarrasser de l'excédent d'énergie qui s'accumule durant le jour. … Sur Terre, la concentration de ces gaz à effet de serre est propice au maintien des températures qui permettent à l'eau de se présenter sous forme liquide. Sans eau sous forme liquide, il n'y aurait pas de vie. Toute vie sur la Terre dépend de l'eau sous forme liquide, de sorte que même si l'on déplore l'excès de gaz à effet de serre, il ne faut pas oublier que sans le dioxyde de carbone ainsi que les autres gaz de ce type, il n'y aurait aucune vie sur la Terre… Sans dioxyde de car­bone, il n'y aurait pas d'herbe verte, pas d'arbres, aucune végé­tation... … Il est donc important de garder à l'esprit le fait que ces gaz dits « à effet de serre » sont absolument essentiels à la vie sur cette planète, et que les problèmes surviennent uniquement lorsque la concentration de ces gaz augmente tellement qu'elle peut entraîner des chan­gements climatiques gênants »

En résumé : les GES font partie de notre environnement et sont absolument nécessaires à l’épanouissement de la vie sur la Terre. En particulier, les êtres vivants, quels qu’ils soient, ont besoin du CO2. L’être humain inspire de l’air contenant 21 % d’oxygène et 0.04 % de CO2, tandis qu’il en rejette avec 16 % d’oxygène et 4.5 % de CO2. Cette concentration de CO2 est grosso modo plus de cent fois supérieure à celle contenue aujourd’hui dans l’atmosphère, 380 ppm (part par million), et nous nous portons quand même très bien. Les GES présents dans l’atmosphère contrôlent la température terrestre par un processus complexe qui peut être assimilé à celui d’une serre : la chaleur pénètre et a du mal à être évacuée. Plus elle a du mal à être évacuée plus la température augmente.  

Quelles sont les preuves de ce mécanisme à l’échelle planétaire et sur des périodes de temps suffisamment longues pour pouvoir prévoir avec suffisamment de certitude l’avenir ? On n’a aucune preuve directe et il faut aller les chercher là où se trouve ensevelie, heureusement, la mémoire indirecte du climat de notre planète, les glaces polaires. Les carottes arctiques ont permis d’établir une corrélation entre les modifications de la concentration de GES  (CO2 et CH4 [5] [6]) et de la température au cours des périodes de refroidissement/réchauffement qui ont émaillé les derniers 500 000 ans. Ces résultats sont présentés sur la Figure 1 [7].
Figure 16
Figure 1 : A) Concentration de CO2 en parts par million (ppm) en fonction de l’écart de température par rapport à un niveau de référence en °C. En encarté : Concentration de CO2 en parts par million (ppm) (échelle à gauche et courbe en noir) et écarts de température en °C (échelle à droite et courbe en gris) en fonction du temps (en kan = 1000 an) en prenant comme origine la date actuelle. B) Concentration en CH4 en parts par milliard (ppb) en fonction de l’écart de température par rapport à un niveau de référence en °C. Les droites représentent le meilleur ajustement des données. Extraite de [7].

Les Figures 1A et 1B montrent assez clairement que les écarts maximaux de température sont de l’ordre de 8°C tandis que la concentration de  CO2 et de CH4 oscillent respectivement entre 180 et 280-300 ppm et entre 320–350 et  650–770 ppb. L’encarte de la Figure 1A met en évidence que les variations de température sont assez bien correlées avec celles de la concentration de CO2 et qu'elles sont périodiques. Sur un historique de 420 000 ans [8] on observe quatre cycles de glaciation d’une durée de l’ordre de 100 000 ans chacun. Il y a à peu près 18 000 ans la dernière glaciation a pris fin et a débuté une période de réchauffement avec un « petit âge glaciaire » au XVII-XIIIe siècle. Nous sommes aujourd’hui dans la branche montante de cette période de réchauffement « naturelle » si l’on tient compte des périodicités précédentes.

Les cycles des écarts de température dans l’Antarctique sont fortement corrélés aux cycles de CO2 et CH4, et c’est pour cela que, globalement, ces résultats supportent l’idée que les GES ont contribué significativement aux changements climatiques des périodes glacières-interglaciaires [9]. Cette corrélation, associée à la concentration particulièrement élevée de ces gaz aujourd’hui, est pertinente dans le débat constant sur le devenir du climat de la Terre.

Cependant, rien ne nous dit si l’augmentation de la température est responsable de l’augmentation de GES ou vice-versa. En d’autres termes quel est le mécanisme moteur et quelle est la conséquence ? 

Il faut noter que toutes ces périodes de réchauffement n’ont rien à voir avec une quelconque activité humaine même si, au cours de  la dernière période, il y a une dizaine de milliers d’années, elle  était déjà embryonnaire Ce n’est donc pas la production de CO2 anthropique, telle qu’on l’imagine aujourd’hui à la suite de la révolution industrielle du XIXe siècle,  qui est en cause mais plutôt « les changements des paramètres orbitaux de la Terre (excentricité, obliquité et précession) qui causent des variations de l’intensité et de la distribution du rayonnement solaire qui, par conséquence, déclenchent des changements climatiques naturels (Stauffer  [10]) ». On peut donc estimer, comme le proposent Torn et Harte [11] que l’augmentation de la concentration de CO2 est due à l’augmentation de la température, et à une rétroaction climatique [12] positive qui favorise cette augmentation. Stauffer propose le modèle très simplifié suivant des transitions (glaciation/réchauffement): « premièrement, le changement des paramètres de l’orbite initie la fin de la période glaciaire ; deuxièmement, une augmentation des GES (NDR : initié par l’augmentation de la température) amplifie le signal orbital faible ; troisièmement, au cours de la deuxième moitié de la transition, le réchauffement est davantage amplifié par une diminution de l’albédo [13] associé à la fonte des larges plaques de glace de l’hémisphère nord »  

L’activité humaine, due en partie à l’augmentation de la population et en partie à l’industrialisation, qui se développe à partir du milieu du XIXe siècle, vient altérer le maximum des oscillations « courantes » des GES puisque « en 2005, les concentrations atmosphériques de CO2 (379 ppm) et de CH4 (1 774 ppb) ont largement excédé l’intervalle de variation naturelle des 650 000 dernières années3 ». Les dépassements sont de l’ordre d’une centaine de ppm pour le CO2 et d’un millier de ppb pour le CH4  (en équivalent CO2 ceci correspond à 26 ppm) soit 30% pour l’un et plus de 100% pour l’autre.

En supposant que les augmentations CO2 et de CH4 sont toutes à caractère anthropique, et sans même leur associer une rétroaction positive quelconque, on peut penser qu’il est possible de leur attribuer la responsabilité de l’augmentation additionnelle de la température de la planète qui semble s’être produite pendant les derniers siècles et, en particulier, depuis le début de l’ère industrielle. Nous allons dans la suite traiter des éléments permettant de justifier ce réchauffement d’une part et des conséquences prévisibles de l’augmentation anthropique des GES sur l’avenir de la planète d’autre part. 

Le réchauffement constaté et à venir

Les conclusions du Bilan 2007 des changements climatiques3 du GIEC sont définitives sur cette question puisqu’il est écrit en page 2 que : « Onze des douze dernières années (1995–2006) figurent parmi les douze années les plus chaudes depuis 1850, date à laquelle ont débuté les relevés instrumentaux de la température à la surface du globe. Alors que (en 2001) on estimait à 0,6 [0,4-0,8] °C la tendance linéaire au réchauffement entre 1901 et 2000, la valeur établie pour 1906–2005 atteint 0,74 [0,56-0,92] °C (Figure 2). Les températures ont augmenté presque partout dans le monde, quoique de manière plus sensible aux latitudes élevées de l’hémisphère Nord. Par ailleurs, les terres émergées se sont réchauffées plus rapidement que les océans »

La première question qui peut être ingénument posée est celle de la « température à la surface du globe ». La définition du GIEC est la suivante : « La température du globe en surface est la moyenne mondiale pondérée selon la surface de i) la température des océans en surface (c’est-à-dire la température de l’eau dans les premiers mètres au-dessous de la surface de l’océan), et ii) la température de l’air à 1,5 mètre au-dessus de la surface du sol ». Il ne s’agit pas comme, dans le cas des températures estimées à partir de relevés des carottes glaciaires, d’une mesure certes indirecte mais « locale » et non pondérée. Elle peut donc être considérée comme un « indice » qui incorpore, outre les effets d’un changement climatique global, ceux induits par des changements climatiques locaux. En d’autres mots, supposons que l’on place un  thermomètre à 1,50 m du sol au sommet d’un pic des Alpes (pour éliminer ainsi toute contribution humaine localisée proche) au voisinage d’un glacier ; supposons encore que le réchauffement climatique global déclenche la fonte partielle du glacier. Il s’ensuit que la surface de pondération ne change pas mais la caractéristique de la surface – moindre présence de la glace  – se trouve modifiée et affecte la température du thermomètre sans compter celle de la planète au travers de l’albédo.
Figure 17
Figure 2 : Variations observées a) de la température moyenne à la surface du globe, b) du niveau moyen de la mer à l’échelle du globe, selon les données recueillies par les marégraphes (en bleu) et les satellites (en rouge), et c) de la couverture neigeuse dans l’hémisphère Nord en mars–avril. Tous les écarts sont calculés par rapport aux moyennes pour la période 1961-1990. Les courbes lissées représentent les moyennes décennales, et les cercles correspondent aux valeurs annuelles. Les zones ombrées représentent les intervalles d’incertitude qui ont été estimés à partir d’une analyse poussée des incertitudes connues (a et b) et à partir des séries chronologiques (c)    [Réf.3, p. 3].

On ne peut pas mettre en doute le sérieux et la probité des scientifiques mais on peut s’interroger sur la façon dont on prend en compte les phénomènes de rétroaction locaux sur les mesures de température d’une part et sur la manière d’individualiser la seule contribution du changement climatique global par l’entremise des GES. Admettons donc que la température moyenne à la surface du globe a augmenté discrètement entre 1850 et 1950 et beaucoup plus rapidement au-delà (Figure 2a). Ces modifications semblent être corrélées par l’augmentation du niveau de la mer [14] (Figure 2b) associé à la fonte des neiges (Figure 2c) et des glaciers et la dilatation de l’eau des océans.

Pendant la période de 40 ans – 1970 à 2010 - l’augmentation de l’écart de température a été de 0,62°C avec, cependant, « une grande variabilité aux échelles décennale et interannuelle [15] » et l’augmentation de CO2 de quelque 64.4 ppm. On a eu donc une augmentation de la température de quelque 0,0096 °C/ppm de CO2. En extrapolant linéairement la croissance de la concentration de CO2 en fonction du temps à l’horizon 2100 (390+(64,4*90/40)) on atteindrait une concentration de CO2 de 535 ppm et un écart de température de 1,39°C ((535-390)*0,0096) par rapport à celle de 2010 (390 ppm). Si l’on utilise une courbe d’ajustement polynomiale on obtient une concentration de 688 ppm et un écart de température 2,8°C. L’écart entre ces deux valeurs correspond à ce que le GIEC appelle l’« intervalle probable » associé aux procédures d’extrapolation. Ces calculs correspondent au cas où les causes de l’augmentation de la concentration de CO2 et de la température restent les mêmes - ce que les économistes appellent BAU (Business As Usual) et qui conduisent, par une extrapolation linéaire de la croissance de la population entre 1965 et 2010, à 14,05 milliard d’habitants (6,91+(6,91-3,34)*90/45) en 2100. Ce chiffre est inférieur de seulement 1,7 milliard à la population estimée par les Nations Unies dans l’hypothèse d’une croissance forte (15,8 Mrd), tandis que l’écart de température est extrêmement proche de la prévision du GIEC de 1,8°C (dans un intervalle probable de 1,1 à 2,9°C)  pour un scénario (canevas B1) qui « … décrit un monde convergent présentant les mêmes caractéristiques démographiques qu’A1, mais avec une évolution plus rapide des structures économiques vers une économie de services et d’information et le canevas A1 fait l’hypothèse d’un monde caractérisé par une croissance économique très rapide, un pic de la population mondiale au milieu du siècle et l’adoption rapide de nouvelles technologies plus efficaces.» Nous voyons qu’avec des moyens « prévisionnels » très, très « rudimentaires » nous aboutissons à des estimations de la population et de l’écart de température qui ne s’écartent pas de celles proposées par le GIEC avec des modèles d’une extrême sophistication. Tenant compte que ni les scientifiques du GIEC et « a fortiori » nous-mêmes ne serons plus capables en 2100 de vérifier le bienfondé des hypothèses ayant permis d’établir nos estimations ou nos extrapolations, toute discussion sur leur validité est superflue [16].   

On peut néanmoins affiner notre approche puisque comme nous l’avons indiqué dans le chapitre « Population mondiale et CO2 » on doit considérer que la concentration du CO2 dans l’atmosphère résulte d’un processus cumulatif (étant donné la « durée de vie » de GES) et qu’elle doit être liée à la somme d’individus - population cumulée - qui ont participé à l’émission de ces GES. Cette approche est cohérente avec les scénarios de base du GIEC qui, d’après Michel Armatte [17] sont fondés sur « quatre facteurs : la population, la production par personne, son intensité énergétique et l'intensité en carbone de l'énergie consommée. Le niveau d'activité, autrement dit la croissance, reste le principal facteur d'émissions de gaz à effet de serre, et sa modélisation à l'échelle mondiale constitue, avec la projection de la population, la base d'un scénario d'émissions ». Les scénarii doivent représenter « une description cohérente, consistante en elle-même, et plausible d’un état futur du monde ».

On tient compte des facteurs énoncés dans le paragraphe précèdent par la prise en considération de la croissance de la population cumulée et de la croissance concomitante de la concentration de CO2 en utilisant la droite d’ajustement « Figure 2, Population mondiale et CO2 » pour la période 1955/2010.  En utilisant les quatre scénarios de croissance de la population mondiale établis par les Nations Unies [18] à l’horizon 2100 on a calculé les écarts de température qu’on pourrait espérer si la production moyenne « per capita » de CO2  se poursuivait comme jusqu’à maintenant. Ces résultats sont résumés sur la Table 1.

Table 1 : Estimation de la concentration en CO2, de l’écart de température attendu et de l’augmentation de température par décennie à partir de la population cumulée pour les quatre scénarii de croissance de la population mondiale établis par les Nations Unies.
Table 1 ter 2Un réchauffement compris entre 0,19 et 0,34 °C par décennie n’est pas si éloignéde de celui du GIEC [19] puisque « un réchauffement d’environ 0,2 °C par décennie au cours des vingt prochaines années est anticipé dans plusieurs scénarios d’émissions SRES (Special Report on Emissions Scenarios, Rapport spécifique sur scénarios d’émission). Les projections à plus longue échéance divergent de plus en plus selon le scénario utilisé ».

Notre écart de température projeté, compris entre 1,95 et 3,44 °C, est à comparer à celui établi par le GIEC pour sept scénarios fondés sur des hypothèses de croissance plus ou moins rédhibitoires et des hypothèses de consommation d’énergies fossiles plus ou moins optimistes [20], Table 2. Nos résultats sont à l’intérieur des « intervalles probables » pour chacune des populations approchant celles des Nations Unies utilisées dans nos calculs. Pour chacun des scénarii comparés les différences peuvent provenir de l’évolution de la croissance (et décroissance) de la population postulés par les Nations Unis et par le GIEC.

La variation de température la plus probable oscille  entre 1,8 et 4,0 °C, incroyablement proche de celle, comprise entre 1,95 3,44 °C, que nous avons obtenu par simple (grossière ou rudimentaire ?) extrapolation des données connues. Si l’on tient compte des intervalles d’incertitude pour chacune des prédictions du GIEC,  l’écart est alors compris entre 1,1 et 6,4 °C, soit un facteur six entre l’estimation basse et haute. Ce « degré d’incertitude global » est énorme et donc la prise des décisions politiques concernant l’attitude à arrêter pour lutter contre le réchauffement climatique relève plus de la foi que d’une estimation chiffrée de l’augmentation de la température moyenne et de ses conséquences probables sur l’environnement.

Table 2 : Variation de température en °C (pour 2090–2099 par rapport à 1980-1999)
Table 4

Ces estimations n’ont pas été modifiées substantiellement dans le rapport « Changements Climatiques 2013 : Les Éléments Scientifiques » publié par le GIEC [21] puisque pour quatre scénarii de l’évolution de la concentration de GES, Table 3, les moyennes probables pour la période 2081-2100 (19 ans de durée pendant lesquels peuvent se produire beaucoup d’évènements) sont comprises entre 1 et 3,7 °C, et en tenant compte de la plage probable entre 0.3 et 4,8°C (voir Table 4).

Table 3 : Caractéristiques principales de  l’évolution de la concentration
de GES pour les scénarios RCP [22]

Table 5

Table 4 : Évolution projetée de la moyenne de la température de l’air à la surface
du globe pour le milieu et la fin du XXIe siècle par rapport
à la période de référence 1986-2005 [23] en °C.

Table 6

Nos « prévisions », entre 1,39 (par extrapolation de la droite de concentration de CO2 en fonction du temps) 3,44 °C (pour l’option de croissance à fertilité constante) sont encore plus proches et à l’intérieur des dernières estimations du GIEC puisque l’intervalle probable tous scénarios confondus est alors de 0,3 à 4,8 °C.

Face aux « plages probables » et aux incertitudes, Thomas Schelling [24] dans sa contribution intitulée « Un faisceau d’incertitudes » traite cette question dans les termes suivants : « … parmi toutes les incertitudes, celle qui retient le plus l'attention … concerne la température moyenne à la surface … au cas où la concentration de gaz à effet de serre (NDR : CO2) dans l'atmosphère doublerait - par rapport au niveau dit préindustriel où elle atteignait 280 ppm. Selon l'estimation proposée (à la fin des années 1970) par l'Académie des sciences américaine (cela) provoquerait un changement de température de l'ordre de 1,5 °C à 4,5 °C. La marge d'incertitude est en l'occurrence énorme. De l'ordre de 1 à 3 : 1,5 à 4,5 °C. Si mon médecin me déclarait : « Schelling, si vous ne surveillez pas votre régime, vous allez prendre beaucoup de poids », si à mon tour je lui demandais « Combien vais-je prendre si je ne change pas de régime ? » et qu'il me répondait : « Entre 20 et 60 kilos... », je lui ferais remarquer que sa marge d'incertitude est de taille » et il poursuit : «… Lorsque le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a repris cette estimation en 1992, il a déclaré : « Il n'y a pas de raison de modifier cette estimation », et c'est toujours celle qui a cours aujourd'hui.  » « … pourquoi cette estimation, cette marge d'incertitude, n'a-t-elle pas été réduite au cours des trente dernières années ? Les sommes investies dans la recherche sur cette question, le nombre de scientifiques qui consacrent leur carrière à l'étude du changement climatique, sont à peu près mille fois supérieurs à ce qu'ils étaient au début des années 1970, pourquoi, alors, n'a-t-on pas réussi à réduire la marge d'incertitude ? ». « Dans une certaine mesure, cette incertitude est encore plus grande aujourd'hui. Il y a à cela au moins deux raisons. La première est qu'il faut une bonne dose de confiance en soi pour proposer une estimation qui démente celle qui est acceptée depuis trente ans : qui serait prêt à mettre sa carrière en jeu pour une estimation ? La seconde, plus sérieusement, est liée au fait que certains domaines comme la génétique ou la neurologie se révèlent à l'examen beaucoup plus complexes qu'on ne le croyait. La neurologie d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec ce qu'elle était il y a vingt ans tandis que, dans le même temps, la génétique a connu une évolution radicale. »

Devons-nous retenir que les questions liées à l’évolution du climat, dans une perspective de quelques centaines d’années, « se révèlent à l'examen beaucoup plus complexes qu'on ne le croyait » ? Pourtant, les prédictions du GIEC en 2007 restent aussi les mêmes : des écarts de température moyenne en surface comprises entre 1,8 et 4 °C et entre 1,1 et 6,4 °C en tenant compte des intervalles d’incertitude probables.

Thomas Sterner, professeur d’économie à l’Université de Göteborg et président de l’Association européenne des économistes de l’environnement, va plus loin puisque dans sa contribution intitulée « Pour une économie du climat pertinente [25] » il écrit que « … le degré de réchauffement correspondant à une augmenta­tion donnée des émissions de gaz à effet de serre reste incertain ; quant à ses effets biologiques et autres, ils le sont encore davantage. Le degré d'incertitude le plus élevé concerne le coût économique des changements climatiques d'origine humaine ».

On introduit ici une notion essentielle : celle du coût économique de toute politique palliative ou réparatrice des conséquences plus ou moins catastrophiques du changement climatique. Il ajoute que  « face à toutes les incertitudes du côté des sciences naturelles, il est frappant de voir que l'une des sources de variation numérique les plus importantes dans ce type d'évaluation intégrée vient, en fait, du taux d’actualisation (NDR : Opération mathématique permettant de comparer des montants en numéraire (ou autres) reçus ou dépensés à des moments (années) différents). Cela est dû, bien sûr, au fait que pratiquement tous les coûts évoqués concernent un ave­nir lointain, en sorte qu'il faut les actualiser ».

Une énumération plus détaillée des incertitudes afférentes aux modèles d’évaluation intégrée (MEI) est celle effectuée par Martin Weitzman, de l’Université de Harvard, dans « Changement climatiques extrêmes et économie » [26]. Il spécifie que « …la très grande incertitude concernant l'évolution de la température moyenne sur la planète donne lieu à une incertitude encore plus grande, encore plus indéterminée concernant les effets possibles sur le bien-être. On a affaire ici à une très longue chaîne d'inférences ténues dont chaque maillon est lourd d'incertitudes : cela commence avec le scénario inconnu des émissions de GES, auquel s'ajoutent les immenses incertitudes concernant la façon dont les mesures politiques possibles et les leviers politiques pourront se répercuter effectivement sur les émissions de GES ; auxquelles s'ajoutent les immenses incertitudes concernant la façon dont les flux de GES s'accumulent via le cycle du carbone pour former des stocks de GES ; auxquelles s'ajoutent les immenses incertitudes quant à la manière et au moment où l'accumulation des stocks de GES provoque un changement de la température moyenne sur la planète ; auxquelles s'ajoutent les immenses incertitudes sur la façon dont les changements affectant la température moyenne de la planète se traduisent à l'échelle régionale en termes de température et de climat ; auxquelles s'ajoutent d'immenses incertitudes sur la façon dont les processus d'adaptation et d'atténuation des dommages causés par les changements climatiques se traduisent en termes d'utilité - en particulier à l'échelle régionale ; auxquelles s'ajoutent les immenses incertitudes liées à la façon dont les changements en termes d'utilité à l'échelle régionale s'agrègent - et à la façon de les actualiser - avant de pouvoir convertir le tout en valeur attendue actuelle des changements affectant le bien-être à l'échelle de la planète. Ces immenses incertitudes en cascade se résument en une incertitude proprement extraordinaire concernant la valeur actualisée attendue, agrégée des impacts sur l'utilité, d'un changement climatique catastrophique … »

 Une phrase se distingue dans cette énumération. Elle s’adresse à l’évaluation (« valeur attendue actuelle») de rien de moins que les « changements affectant le bien-être à l'échelle de la planète » en tenant compte de toutes les incertitudes énoncées. Essayons de voir quels peuvent être ces changements.

Changement probables affectant le bien-être  

Pour quatre secteurs d’activité – i) agriculture, foresterie et écosystèmes, ii) ressources en eau, iii) santé et iv) industrie, établissements humain et société -  le GIEC [27] liste les incidences possibles des phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes associés aux changements climatiques dans un horizon proche, la deuxième moitié du XXIe siècle, sans cependant tenir compte de l’évolution de la capacité d’adaptation (plasticité) de l’homme et de la nature.  Les perspectives sont parfois bonnes, comme la « baisse de la mortalité humaine due au froid » et parfois mauvaises, comme le « risque accru de la mortalité liée à la chaleur ». On peut espérer dans ce cas-là qu’il y aura compensation et que le taux de mortalité dû aux causes autres que les extrêmes de température continuera à diminuer et l’espérance de vie à augmenter. Cet effet de compensation est aussi présent dans le secteur de l’agriculture puisque la « hausse des rendements dans les régions froides » devrait s’accompagner d’une « baisse dans les régions chaudes », même si ces bonnes nouvelles sont tempérées par des « invasions d’insectes plus fréquentes ». En tout état de cause la question à laquelle il serait bon de répondre est la suivante : dans quelle mesure la totalité de ces effets sera favorable ou néfaste à la production de produits alimentaires nécessaires à l’alimentation d’une population mondiale que, suivant les Nations Unies [28], pourrait atteindre (voir Tableau 1), dans l’hypothèse d’une fécondité constante, 27 milliard d’individus à l’horizon 2100 !

Dans son dernier rapport « Changements Climatiques 2013 : Les Éléments Scientifiques » le GIEC note : « Des changements concernant de nombreux phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes ont été observés depuis environ 1950…Il est très probable que le nombre de journées et de nuits froides a diminué et que le nombre de journées et de nuits chaudes a augmenté à l’échelle du globe. Il est probable que la fréquence des vagues de chaleur a augmenté sur une grande partie de l’Europe, de l’Asie et de l’Australie. Il est probable qu’il y a davantage de régions continentales où le nombre d’épisodes de précipitations abondantes a augmenté plutôt que diminué. La fréquence ou l’intensité des épisodes de fortes précipitations a probablement augmenté en Amérique du Nord et en Europe. Sur les autres continents, le degré de confiance associé à la transformation des fortes précipitations est au mieux moyen ». Ce qui nous semble essentiel est que le seul facteur qui peut être abordé sans faire appel à aucune probabilité puisque nous disposons de donnes extrêmement précises – celui de l’augmentation de la population – n’est même pas mentionné dans le « résumé à l’intention des décideurs » où on aurait dû écrire « Il est certain que la population mondiale a augmenté depuis 1950 ».

Revenons sur ce qui s’est passé depuis 1950 pour nous forger une idée et mettre en perspective ce qui nous est annoncé. La population mondiale est passée de 2,5 milliards en 1950 à 7 milliards en 2011 et, en dépit du fait que le CO2 atmosphérique a augmenté de 80 ppm et la température moyenne à la surface de 0,7 °C, initiant ainsi suivant les experts le processus de réchauffement climatique, la production agricole, tous produits confondus, a été multipliée par un facteur 3 sur la période considérée (valeur approximative obtenue en extrapolant le doublement linéaire constaté entre 1961 et 1992 [29]). La production agricole a accompagné, et même dépassé, le rythme de croissance de la population ; le plus rapide qui ait connu l’humanité depuis qu’elle existe. C’est certainement une performance que les experts auraient eu du mal à prédire en 1950 connaissant ou ignorant l’impact du réchauffement climatique dont il n’était même pas question alors. Or, rien n’est dit dans le document du GIEC, destiné pourtant aux décideurs, sur les effets de « rétroaction » de l’augmentation de la population et sur l’influence bénéfique que l’augmentation de la température anthropique semble avoir eu dans l’augmentation de la production de denrées alimentaires.  

D’autres prédictions du GIEC sont pourtant plus préoccupantes les unes que les autres. Faisons un très rapide résumé pour ce qui est de l’agriculture : « baisse des rendements dans les régions chaudes en raison du stress thermique » et « de la progression de la sècheresse », et « perte de récoltes » en raison « des précipitations plus fréquentes » et de « l’augmentation de l’activité cyclonique ». Ceci est agrémenté de l’érosion des sols, de l’impossibilité de cultiver les terres détrempées, de la baisse des rendements, de la mortalité plus fréquente du bétail, du risque accru d’incendies, et de la salinisation des basses terres due à l’élévation du niveau de la mer. Y aurait-il, en dépit de tout ce qui est prédit,  assez à manger pour les quelques 6 à 27 milliard d’habitants de la planète espérés à l’horizon 2100 ?

Dans le domaine sociétal on doit s’attendre à des transferts puisque à une « baisse de la demande énergétique pour le chauffage » correspond une « hausse pour la climatisation », ainsi qu’à des effets favorables comme des « perturbations moins fréquentes des transports (pour cause de neige, verglas) » et la « baisse de la mortalité humaine due au froid ». Parmi les aspects négatifs on a, entre beaucoup d’autres, la « baisse de la qualité de vie des personnes mal logées dans les régions chaudes » ; les « effets (de la chaleur) sur les personnes âgées, les très jeunes enfants et les pauvres », ce qui n’est pas très nouveau ;  la « possibilité de migration des populations [30] », etc.

Pour ce qui est de la « possibilité de migration » on peut rappeler que des mouvements de populations  recherchant des environnements plus favorables à leur survie ou chassés de leur environnement à la suite de changements climatiques ont existé depuis toujours. Plus récemment, des migrations importantes se sont produites au XIXe siècle et au début du XXe siècle quand des populations européennes ont émigré en masse vers les Amériques. Ainsi, entre 1850 et 1910 presque trente millions d’Européens provenant d’Allemagne,  de France, d’Italie, des Pays scandinaves, de Grande-Bretagne et d’Irlande, et de Russie y ont principalement émigré. En 30 ans, entre 1880 et 1910, l’Italie a perdu plus de six millions de ces ressortissants [31] pour une population estimée, en 1900, à 32 millions d’habitants. Aujourd’hui il est intéressant de constater que suivant les Nations Unies  « dans les régions les plus développées, près d’une personne sur 10 est migrante, contre une sur 70 dans les pays en développement » [32]. Puisque, « grosso modo » il y a six individus dans les pays en développement pour un individu dans les pays développés on voit que le nombre est pratiquement le même dans ces deux régions. Les changements de tendance peuvent être très rapides ; ainsi, le  nombre net de migrants dans les pays les plus développés a été de 315 000 au cours du quinquennat 1950-55 et a atteint 17 450 000 au cours de la période 2000-2005 [33], une multiplication par 55 ! Il est intéressant d’observer, Figure 3, que le nombre de migrants vers les pays les plus développés augmente de façon spectaculaire pendant les années 1960-65, atteint un plateau au cours de la décennie 1970-80 et reprend une croissance très rapide au-delà pour ne diminuer faiblement qu’en 2005-10. Encore une fois, qui aurait pu prévoir en 1950 une telle évolution de la migration pendant le demi-siècle qui va de 1960 à 2010 ?  Est-elle due à l’initiation du réchauffement climatique ou à d’autres causes ? 

Figure 18Figure 3 : Nombre net de migrants dans les pays le plus développés entre 1950 et 2010.


Les prévisions assez catastrophiques mais non chiffrées (sauf pour les écarts de température et la modification du niveau de la mer – comprise entre 0,18 et 0,59 m suivant les scénarii du GIEC ne peuvent être ignorées et doivent être prises en compte sans pour autant oublier les évènements qui ont eu lieu au cours d’un passé pas trop lointain et au cours duquel la « plasticité, résilience », ou degré d’adaptation des individus, des organisations sociales et des écosystèmes a joué un rôle déterminant ayant permis le développement auquel nous sommes parvenus aujourd’hui.

Les changements que nous venons de survoler restent toutefois modestes par rapport à quelques autres prédictions plus catastrophiques comme celles citées par Olivier Godard, de l’École Polytechnique, dans sa contribution « La discipline économique face à la crise de l’environnement [34] ». Ainsi, « en reprenant les résultats des modélisations climatiques les plus récentes et les données des rapports du GIEC de 2007, Weitzman [35] estimait en 2008 qu’un scénario de 550 ppm de CO2 de concentration atmosphérique de GES … se traduirait …par une probabilité de 5 % de voir une augmentation de la température moyenne du globe dépasser les 11°C. Ce niveau de probabilité est considérable. Personne ne peut dire aujourd’hui à quoi rassemblerait notre planète dans une telle hypothèse. Les principales formes de vie, y compris la vie humaine, pourraient avoir disparu. ». Cette concentration « devrait être atteinte entre 2035 et 2050 ». Par ailleurs, « le climatologue James Hanse…indiquait récemment que dépasser durablement le niveau de 350 ppm de CO2, seuil déjà franchi depuis une vingtaine d’année, engagerait l’humanité dans une dangereuse aventure climatique ».   

Martin Weitzman est encore plus précis [36] car, selon lui, «  les conséquences des hausses moyennes des températures de l'ordre de 10 à 20 °C sont proprement terrifiantes : disparition du Groenland [37] et d'au moins une partie de la calotte glaciaire occidentale de l'Antarctique, ce qui provoquerait une montée spectaculaire des eaux, possiblement de l'ordre de trente mètres ; perturbations très importantes des systèmes de circulation des courants océaniques associés à la circulation thermohaline ; bouleversement complet de la situation météorologique, du régime des précipitations et d'humidité à l'échelle de la planète entière sans exception ; variations géographiques de la disponibilité de l'eau douce aux conséquences redoutables ; désertification de certaines zones, et ainsi de suite ».

Une phrase du Rapport Stern [38] résume bien la situation : « Nul n’est en mesure de prédire avec une certitude absolue quels seront les effets du changement climatique ; en revanche, nous avons désormais assez de connaissances pour en comprendre les risques ».

On est bien loin de la question du « bien-être à l'échelle de la planète » et l’on est plutôt confronté, dans les scénarii catastrophes évoqués, à la question de la « survie » de la planète. Cette survie dépend des décisions politiques qui ne peuvent être prises qu’au niveau planétaire, avec un coût dont l’estimation ne peut être qu’approximative. Voyons quelles sont les options qui nous sont proposées.

Options d’atténuation du  changement climatique 

Olivier Godard ne nous laisse pas beaucoup d’espoir de voir des efforts palliatifs venir atténuer de manière significative le processus de changement climatique. Il écrit [39] en effet que « les processus de transformation du climat sont tels que même si un accord international décidait prochainement un objectif mondial de zéro émission de GES, il faudrait plusieurs dizaines de milliers d'années pour restaurer des conditions climatiques qui seraient celles du milieu du XXe siècle » et il va plus loin puisqu’il ajoute [40] que « l’enjeu actuel … est de savoir par quel chemin et à quel rythme engager une transition vers un état moins insoutenable à long terme, sans prétendre, ce faisant, avoir la garantie d’éviter une évolution catastrophique de l’environnement, compte tenu des écarts à la viabilité déjà commis ». Il cite, à l’appui de cette thèse, les travaux de David Archer [41] qui conclut que « le cycle carbone de la biosphère prendra beaucoup de temps pour complètement neutraliser et séquestrer le CO2 anthropique » ; ce temps pourrait être de l’ordre de 10 000 ans. Cependant, une « meilleure approximation de la durée de vie de 75% du CO2 issu des combustibles fossiles … pourrait être de « 300 ans, et l’éternité pour les 25% restants » ».

Ce point est essentiel et peut se résumer dans ce que j’appellerais la « dissymétrie de la cinétique du CO2 atmosphérique ». En effet, l’introduction du CO2, et de tout autres GES en l’occurrence, est instantanée mais sa séquestration par les puits de carbone est très longue. C’est comme pour l’alimentation ; la prise de poids est généralement rapide mais la perte de poids est généralement très lente. Il n’y a qu’une solution : arrêter de manger. 

À partir des nombres évoqués ci-dessus le flux de CO2 qui devrait être transféré de l’atmosphère aux puits de carbone terrestres pour réduire au terme de 300 ans la concentration de CO2 de100 ppm et récupérer ainsi en 2310 une concentration de l’ordre de 280 ppm, correspondant à celle existant en 1800 avant le démarrage de la croissance anthropique, est de l’ordre de 2,0 Gt/an (masse totale de CO2 dans la troposphère pour 390 ppm de CO2= ~2500 Gt, pour 100 ppm-> ~700 Gt, par an -> 2,3 Gt/an) . Elles représentent 20% de l’absorption des puits de carbone estimée par les climatologues à quelques ~ 10 Gt/an. Pour ne plus ajouter de CO2 au réservoir atmosphérique et diminuer son stock il faudrait, pendant 300 ans, limiter la production totale anthropique de CO2 à 8 Gt/an, ce qui représente un quart de la production totale de l’année 2008 (32 GT/an). En d’autres termes, l’humanité tout entière devrait réduire immédiatement sa consommation d’énergie de 75 %, s’interdire toute augmentation de la population, et toute croissance ultérieure de la consommation.  Pour revenir au niveau de 350 ppm voulu par Hansen il faudrait quand même 120 ans dans le meilleur des cas.

On est donc confrontés à la question suivante : Tenant compte de ce qui c’est déjà produit et de ce qui peut être accompli naturellement, quelles sont les mesures à prendre par la gouvernance mondiale pour s’assurer du bien-être (de la survie ?) de la planète dans un avenir très proche, la fin du XXIe siècle ?  

La proposition de Nicholas Stern est la suivante [42] : « Au moins 50 % de réduction (par rapport au niveau de 1990) pour l'ensemble de la planète d'ici à 2050 et au moins 80 % pour les pays riches à la même date ». Les 27 pays (13,5 % de la population mondiale) les plus émetteurs de CO2 représentent 50 % des émissions totales de CO2 et sont considérés comme faisant partie des riches. Le 86,5% du reste de la population mondiale sont, pour simplifier, les pauvres. Quelles sont alors les conséquences pratiques de ces propositions sur les individus habitant des pays riches et des pays pauvres ?

En 1990 (5,3 milliard d’habitants) les émissions de CO2, étaient de 22,56 Gt, en 2010 (6,9 milliards d’habitants) elles étaient de 30.6 Gt. Nicholas Stern propose de revenir à la moitié des émissions de 1990, soit 11,28 Gt, autour de 2050. La différence entre les émissions en 2010 (30,6 Gt) et celles souhaitées en 2050 (11,28 Gt) nécessitent donc une réduction de 19,32 Gt en 40 ans.  La moitié des émissions de GES sont issues de la population des pays dits « riches », soit en arrondissant un milliard d’individus. Puisque les émissions en 2010 de cette même classe de population étaient de 15,30 Gt, et qu’elle doit la réduire de 80%, elle se retrouvera en 2050 avec un quota d’émission de seulement 2.26 Gt (11,28*0,2). La population « pauvre » - les 6 milliards restants - auront à réduire leurs émissions de 15,30 Gt à 9,02 Gt (11,28*0,8) pour satisfaire une production totale égale à 50% de celle de 1990. La contribution des riches à la récupération du niveau d’émission souhaité en 2050 sera donc de 13,04 Gt (15,30Gt-2,26Gt) et celle des « pauvres » de 6,25 Gt (15,30Gt-9,02Gt), soit en tout 19,32 Gt comme nous l’avons vu ci-dessus (30,60-11,28).

Quelles sont les conséquences en termes d’émission « per capita » ? Si le nombre total d’habitants reste le même et si la proportion de « riches » ne varie pas, chaque « riche » émettra 2,26 t/an de CO2 au lieu de 15,30 t/an en 2010 ; tandis que chaque « pauvre » sera réduit à 1,53 t au lieu de 2,59 t en 2010. Bien entendu, si l’on altère les conditions idéales de population constante les attentes deviennent encore plus sombres. Pour les estimations de croissance de la population de l’ONU la Table 5 montre les émissions de la totalité de la population, des riches et des pauvres calculées en tenant compte des préconisations de Nicholas Stern. Dans le cas d’un scénario de croissance de la population à fécondité constante les riches qui resteraient n’auraient droit en 2050 qu’à 1,44 Gt/an et les pauvres qui auraient survécu à 0,96 Gt/an. Et on serait encore loin d’avoir sauvé la planète puisque, entretemps, on aura émis un total de 840 Gt qui viendront enrichir le stock (estimé à quelques 2500 t) sauf si par miracle les puits naturels sont encore en condition d’absorber une partie de ces émissions. Dans le cas contraire, on se retrouvera avec une augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère obtenue au moyen de la Figure 3 de Population mondiale et CO2 qui peut être estimée à 452 ppm et une augmentation de la température entre 2010 et 2050 de 0.8°C.

Table 5 : Scénarios de croissance de la population et émissions par tête d’habitant
d’après les propositions de Nicholas Stern.
Table 7

Les conditions d’émission préconisées par Nicholas Stern sont celles qui ont existé en 1964-65 avec une population de 3,3 Mrd d’habitants et des émissions de quelques 4,5 Gt/an de CO2, soit une émission per capita de 1,36 t/habitant. On est obligé de conclure que la solution proposée par Nicholas Stern ne recevra pas l’accueil le plus chaleureux (c’est le cas de le dire) de la part de la population pauvre qui devra renoncer à ses maigres 2,59 t/an pour se retrouver, dans le meilleur des cas, à la moitié : 1.30 t/an. Et les riches, qui seront obligés d’oublier leurs 15,53 t/an pour se satisfaire au mieux de 1.95 t/an deviendront de nouveaux pauvres avec l’équivalent de l’émission d’un habitant de la Chine en 2003 ! Ces changements nécessiteront des efforts considérables de la part de la population de la planète, que les habitants fassent partie des « riches  ou des pauvres » ; sans toutefois échapper à l’augmentation du stock de CO2 et, en conséquence, à une augmentation de la concentration de GES et de la température. Ce qui est certain c’est que la mise en œuvre de cette solution nivellera les émissions des riches et des pauvres.

Par ailleurs, l’application des mesures de réduction des émissions anthropiques de CO2 pose bien entendu des problèmes majeurs au niveau des États d’une part et au niveau des individus d’autre part.

Au niveau des États puisque une régulation des activités humaines tendant à réduire les émissions de CO2 ne peut avoir lieu sans une coordination au niveau mondial, ni la mise en place de mesures coercitives tant au niveau institutionnel qu’individuel, ce qui implique une totale adhésion des habitants de la planète. Or, comment convaincre les Qataris de réduire leurs émissions individuelles de CO2 de 90 à 2,0 t/an en moyenne ? Et comment convaincre les habitants des 15 pays émettant entre 2,7 t/habitant (Égypte) et moins de  4,2 t/habitant (Thaïlande) qu’eux et leurs enfants doivent les réduire à 1,30 t/habitant au cours des deux sinon trois prochaines générations ? Les seules qui vont peut-être accepter ces mesures, car ils n’ont rien d’autre à espérer, sont les habitants des pays dont les émissions sont inférieures à 1.3 t/ puisqu’ils ont la chance de pouvoir les augmenter ou tout au moins de les conserver.  Pour eux, rester à ces niveaux serait déjà un triomphe, surtout si on les assure que cette transition se fera plus rapidement. Pour les autres, il est difficile de présager s’ils seront contents ou mécontents ? En tout cas les « riches » restent toujours riches par rapport aux moins « pauvres » qui deviennent encore plus pauvres !)

Ce que nous venons de voir est en contradiction avec la vision de Thomas Schelling [43] puisqu’il écrit  que « …pratiquement ce qui sera fait pour réduire les dommages liés aux change­ments climatiques sera financé par les riches, tandis que ce seront les pauvres qui bénéficieront majoritairement des bienfaits liés aux efforts pour atténuer ces changements climatiques. Par conséquent, le transfert ne se fera pas des individus vivant aujourd'hui vers des individus plus riches vivant à une période ultérieure, mais des individus les plus riches d'aujourd'hui vers les plus pauvres de demain qui, même s'ils seront moins pauvres dans le futur, ne seront jamais aussi riches que le sont les riches d'aujourd'hui ». Comme nous venons de le montrer, si la richesse se mesure en tonnes de GES (voir Population mondiale et CO2) et si on applique les mesures proposées par Nicholas Stern, les riches se trouveront appauvris, évidemment, mais les pauvres aussi. Il est certain, que la politique de réduction des émissions sera une source de conflits dont l’ampleur est difficile à prévoir mais qui pourraient devenir des « catastrophes humaines » aussi ou plus sérieuses que les « catastrophes climatiques » que l’on nous promet.  

Cette opposition entre riches et pauvres est aussi mise en perspective par Thomas Sterner [44] pour qui « … ceux dont les besoins élémentaires en nourriture et en sécurité sont déjà assurés peuvent accorder davantage d'attention à l'environnement - à la beauté des paysages, aux valeurs altruistes et respectueuses de la vie qui poussent à la protection des espèces rares dans des pays lointains, etc. D'autre part, il est également vrai que les plus pauvres, qui disposent d'un capital privé restreint, sont ceux qui dépendent le plus fortement du capital « public » sous forme de ressources communes qui apportent des services écosystémiques, comme l'eau, le bois de chauffage, le fourrage, les matériaux de construction, les plantes médicinales, le petit gibier, etc. … La question de savoir qui, des pauvres ou des riches, reçoit la meilleure part d'utilité de l'environnement est une discussion assez vaine …».   

Mais « ceux (qui accordent) davantage d'attention à l'environnement - à la beauté des paysages, aux valeurs altruistes et respectueuses de la vie qui poussent à la protection des espèces rares dans des pays lointains, etc. » seront-ils d’accord pour qu’on les prive, à terme, des avantages et privilèges qu’ils se sont constitués en renonçant aux émissions de GES et qui sont le fondement même de ces avantages et ces privilèges ? Et les pauvres, ceux qui « dépendent le plus fortement du capital « public » » seront-ils d’accord pour voir ce capital diminuer pour contribuer ainsi à leur quote-part de l’effort d’atténuation du changement climatique ?  

Ce n’est pas seulement une question de coût mais une question de bien-être individuel qui n’a rien à voir avec le « bien-être à l’échelle de la planète » beaucoup trop abstrait et lointain pour que les « pauvres », six habitants sur sept, trop préoccupés à satisfaire leurs besoins essentielles, participent d’une manière ou d’une autre à l’amélioration de ce bien-être planétaire. Leur souci, et nous le voyons tous les jours, est, sauf cas exceptionnels, d’atteindre le plus rapidement possible le niveau de vie (et la qualité aussi) des pays dont les images leur parviennent par tous les moyens de communication disponibles. On rétorquera que la sous-alimentation n’a pas de rapport avec les émissions de CO2 (et de GES) mais il existe quand même une assez forte corrélation. La Table 6 donne la liste des dix pays ayant les plus nombreuses populations sous-alimentées [45] de la planète et les émissions moyennes par habitant. Les populations sous alimentés forment une cohorte de 850 millions d’individus, presque autant que dans les pays « riches » qui émettent, à eux seuls 50 % du total des émissions. Les dix pays de la Table 6 ont le triste privilège de concentrer 65 % de la population sous-alimentée mondiale. De ces dix pays deux seulement – Chine et Thaïlande - ont des émissions égales ou supérieures à 2,59 t/an, moyenne des émissions des populations « pauvres »  en 2010. Tous les autres sont bien en dessous de cette valeur et elles peuvent espérer l’atteindre, si la redistribution entre riches et pauvres est achevée en 2050, au bout de quarante ans du régime de dégraissage préconisé par Nicholas Stern.

Table 6 : Les dix pays ayant les plus nombreuses populations sous-alimentées
et émission de de CO2 par habitant.
Table 8

Ces calculs relativement simples ne semblent pas émouvoir quelques responsables politiques de premier plan puisqu’en 2009 le président Barak Obama annonçait [46] vouloir que les États-Unis subissent d’ici 2050 « des réductions d’émissions de 80% (de GES[47]) par rapport à 1990 [48] (6,23Gt) », et prévoyait « de revenir aux niveaux de 1990 en 2020 ». Ainsi, pour atteindre les objectifs de 2020, Table 7, les Américains auraient dû réduire leur consommation à partir de 2012 (6,52 Gt) de 0.036 Gt par an. En 2050 les émissions devraient être de 1,246 Gt, ce qui correspondrait à une diminution des émissions de 0,17 Gt/an pendant 30 ans à partir de 2020 à condition d’avoir atteint le niveau de 1990 à cette date. En 2050 l’Américain moyen devrait se satisfaire d’une émission de GES de 3,1 t/an, à comparer aux 24,6 t/an en 1990, pour satisfaire les objectifs du président Obama. En d’autres termes, les objectifs sont très ambitieux puisqu’ils rejoindraient ainsi ceux des habitants des pays « pauvres ». Nicholas Stern [37] pense qu’aboutir à ces résultats « ne serait pas une mince affaire ». Il ajoute que « ce serait bien si on pouvait réduire (en 2020) encore de 5 % par rapport au niveau de 1990... Cela demandera beaucoup d'efforts, mais c'est tout à fait réalisable. … cela donnerait lieu à des actions comparables ailleurs, ce qui rendrait vraisemblable à l'échelle planétaire l'objectif d'une réduction des émissions de 50 % par rapport au niveau de 1990 d'ici à 2050 ».

Table 7 : Pour les USA, population, total des émissions annuelles de GES et émissions annuelles de GES
par habitant en 1990 et 2012 et prévisions pour 2020 et 2050 suivant les options
du président Barak Obama 

Table 10

* INVENTORY OF U.S. GREENHOUSE GAS EMISSIONS AND SINKS: 1990 – 2009, EPA 430-R-11-005, http://epa.gov/climatechange/emissions/downloads11/US-GHG-Inventory-2011-Complete_Report.pdf, Table ES-2: Recent Trends in U.S. Greenhouse Gas Emissions and Sinks.

Les politiques volontaristes de quelques gouvernements, de quelques communautés, de quelques institutions ne font, malheureusement, qu’influer de manière négligeable sur les flux de GES sans altérer en quoi que ce soit les énormes stocks de GES dans l’atmosphère. Martin Weitzman [49], au sujet des actions palliatives institutionnelles raconte qu’il a eu  « une conversation avec un journaliste du Harvard Crimson qui voulait savoir ce que je pensais des décisions prises par l'université (de Harvard) en faveur de l'environnement - ampoules à basse consommation, herbe sur les toits et autres classiques du genre qui ne servent à rien, même si le monde entier s'y mettait. Je lui ai fait part de mes doutes sur les idées et les projets qui incitaient à prendre les rêves pour des réalités ». Il ajoute « Al Gore … nous laisse entendre que nous pouvons faire quelque chose - même si cela reste symbolique -, que chacun à son échelle peut faire quelque chose. C'est le message qu'ont reçu les étudiants de Harvard. On peut faire quelque chose. C'est positif, le fait qu'en tant qu'individu, on puisse faire des déclarations, mettre quelque chose en place, cela a valeur de propagande, cela peut inspirer les gens. L'aspect négatif, cependant, c'est qu'on est tenté de croire que ce n'est pas si difficile, que cela ne coûte pas très cher, que ce n'est qu'une question de prise de conscience, qu'il suffit de penser à toutes ces situations gagnant-gagnant qui n'attendent que nous pour être mises en œuvre. Et je suis convaincu que tout cela est préjudiciable car le véritable problème se trouve occulté. ».

Le véritable problème est comment éviter l’augmentation du stock de GES tout en assurant la viabilité de l’être humain dans une perspective à court – une dizaine d’années - et moyen terme – une centaine d’années. Au-delà, et même en deçà, c’est « terra incognita ». Rien n’empêche que dans cette perspective chacun puisse contribuer de manière plus ou moins infinitésimale à abaisser son « empreinte carbone » et se donner ainsi bonne conscience tout en  diminuant ses factures d’électricité, gaz, essence et gazole. Comment affronter le « véritable problème » énoncé par Martin Weitzman ? Comment les États peuvent-ils agir dans ce sens ?

Inge Kaul [50], professeur à la Hertie School of Governance de Berlin, résume assez synthétiquement sa position en disant : « Mieux vaudrait s’entendre sur le plafonnement des émissions, mettre en place des projets qui permettent aux systèmes d'échange de quotas d'émissions de fonctionner correctement, puis de laisser les marchés du carbone faire leur office ». On voit apparaitre ici la notion de « marchés du carbone » qui devraient « faire leur office », mais lequel ? Celui de réguler les émissions et garantir leur plafonnement ou d’enrichir un système financier qui s’est déjà engouffré dans cette très lucrative activité ? Nicholas Stern [51] se montre optimiste puisque pour lui : « Le marché des droits d'émissions à l'échelle mondiale constituera un élément clé dans les flux financiers et dans la cohésion autour de l'accord mondial, en même temps qu'il fournira des indications sur notre degré de certitude quant aux quantités d'émissions ; rien n'est sûr dans ce domaine, mais il paraît important de pouvoir évaluer avec certitude les quantités émises ». Or, puisque « rien n'est sûr dans ce domaine » quelle confiance peut être accordé à ce marché qui, comme l’exprime clairement Michel Armatte [52], « … est un marché financier, (pour lequel il faut) prévoir dès aujourd'hui une réglementation efficace (puisqu’il) porte en lui les capacités de régler des transactions et d'établir un « juste » prix de la tonne de carbone, mais qui porte en lui également tous les risques de dérapage que l'on vient de vivre avec les produits financiers sophistiqués de la titrisation ». On ne peut pas être plus clair sur le fonctionnement de ce « marché » qui consiste à vendre un produit qui n’a aucun usage et qui, contrairement à ce que l’on écrit abusivement, n’est même pas polluant. Il ajoute par ailleurs que « le marché du carbone est un marché de possible corruption, comme l'ont rappelé les participants de la 13e conférence internationale contre la corruption d'Athènes en novembre 2008 : « Il existe des risques significatifs et croissants de corruption à toutes les étapes du processus » »

Sans vouloir entrer dans une quelconque controverse, force est de constater que le marché du carbone a un caractère surréaliste. En effet, qu’il y ait un marché du charbon et du pétrole semble tout à fait naturel puisque ces matière premières, comme leur nom l’indique, sont à la base de la production de l’énergie. Qu’il y ait un marché du carbone, sous la formé  de CO2, produit de la combustion des matières premières déjà mentionnées est bien plus difficile à justifier et tout esprit curieux peut s’interroger à son sujet. Imaginons qu’à côté du marché des matières premières alimentaires on crée un marché de la défécation et que l’on échange des droits à la défécation des populations. On rétorquera que ce marché existe déjà puisque l’on paie en fait un droit par l’intermédiaire des taxes de traitement des eaux usées. Mais il y a ici une valeur ajouté puisque l’on récupère une partie au moins de la matière et que l’on purifie l’eau qui l’a portée. Ce n’est pas le cas du CO2, il est perdu et seulement récupéré par les puits terrestres sans aucune intervention du marché ni aucune retombée sur ce même marché. La respiration humaine est responsable de la production de 2.3 Gt de CO2 par an (7Md habitant*0.332 t/habitant) mais ce n’est pas une raison pour taxer les humains à cause de leur contribution au réchauffement climatique, quoique ? Il s’agit bien d’un « marché financier » tout à fait artificiel sans aucune contrepartie en termes de croissance d’une part et de bien-être d’autre part. L’expérience montre que ces marchés sont totalement dérégulés et incontrôlables et responsables de la grave crise financière de 2007. Les récentes escroqueries à la TVA des marchés carbone français [53] démontrent les dangers auxquels on s’expose  : « Les transactions frauduleuses sur les droits d'émissions de CO2 dans l'Union européenne auraient fait perdre au trésor public français entre 1,5 et 1,8 milliard d'euros. Pour l'Europe, le chiffre atteindrait plus de 5 milliards ». C’est bien ce que l’on doit attendre quand l’État lui-même s’engage dans le commerce d’un « bien … immatériel, (qui) ne peut être volé et ne coûte rien en transport » [54].

Par ailleurs, ces « droits » peuvent avoir un effet extrêmement pernicieux sur la gestion des combustibles fossiles. Ainsi, en Allemagne « l’arrêt progressif des centrales nucléaires, associé à la faiblesse actuelle des prix sur le marché des émissions de CO2, a conduit à un renouvellement inattendu de l’énergie la plus polluante qui soit : le charbon [55] ». En conséquence, et en dépit de la contribution des énergies renouvelables à la production d’électricité, 23%, l’Allemagne « a augmenté en 2012 ses émissions de CO2 de 2% » et exporte massivement l’électricité de ses centrales à charbon au reste de l’Europe, 23 Mrd de kilowattheures. Puisque le prix des droits d’émission est bas il n’y a aucun intérêt à produire une énergie « propre » car la vente de droits n’apporte aucune contribution aux profits des producteurs d’électricité.        

Que ces dangers puissent exister dans le domaine des actions dévolues au changement climatique est une évidence puisque Michel Armatte écrit que « le marché du MDP (Mécanisme de Développement Propre [56]) est de 10 milliards d'euros en 2007, pour un peu plus d'un millier de projets, (et) connaît déjà un certain nombre de prédateurs qui en tirent des gains injustifiés. Les auditeurs des projets présentés au conseil du MDP sont payés par les porteurs de projet, ce qui fait penser à la situation analogue des agences de notation des prêts hypothécaires intéressées aux gains de la titrisation, et ne manque pas d'inquiéter », et il ajoute que l’on a aussi « évoqué … de possibles détournements de fonds dans le cadre des politiques de prévention de la déforestation ». La lecture de la Note [56] montre que les germes de tels détournements sont peut-être intrinsèques aux objectifs du MPD quand on lit que « les compagnies ou investisseurs privés s’intéressent au MDP car il leur permet de générer des profits » avec un « bien … immatériel (gazeux) » qui est de toute façon rejeté dans l’atmosphère par chacun des êtres vivants de la planète, les véritables producteurs de ces biens, et qui, de toute façon, ne vont rien réclamer aux compagnies ou investisseurs qui les négocieront pour faire des profits.    

 À un tout autre niveau, le Mécanisme de Développement Propre sert d’exutoire à tous ceux qui, prêchant d’un côté un comportement vertueux, sont par ailleurs de gros émetteurs de GES. Ils s’achètent une bonne conscience grâce aux « indulgences » de la « compensation carbone [57] [58] ». Ainsi, on est surpris de voir la futilité des tentatives de certains producteurs de programmes de télévision, gros émetteurs de CO2, qui se déclarent écologiques en « compensant » leurs émissions de CO2 par la fourniture de réservoirs de biogaz à des Maliens, la population la plus démunie de la planète, en échange des kilogrammes de CO2 qu’ils sont supposés ne pas émettre en brulant du bois ou d’autres combustibles organiques. Quand il s’agit de populations comme celles du Mali ou de la Côte d’Ivoire, dont les émissions de CO2 oscillaient en 2008 entre 40 et 400 kg par habitant et par an, les faire participer indirectement à ce marché est non seulement caricatural mais insultant. Pourtant, ce sont ces actions qui se veulent et vertueuses et politiquement correctes. Comme l’écrit Martin Weitzman : « Cela a valeur de propagande » et ces mesures « …ne servent à rien, même si le monde entier s'y mettait ».

 Conclusions du chapitre

En utilisant toutes les données accessibles concernant l’évolution de la population, de la concentration de CO2 atmosphérique, des émissions de CO2 d’origine anthropique, et de l’augmentation de la température à partir de l’année 1970 nous montrons :

1)      par simple extrapolation pour la date de 2100 de la courbe de concentration de CO2 en fonction de la population, que les concentrations probables à cette date peuvent être entre 535 et 688 ppm correspondant à des écarts de températures par rapport à 2010 entre 1,39 et 2,8 °C,

2)      en utilisant la droite d’ajustement de la concentration de CO2 en fonction de la population cumulée pour la période 1955/2010, que la concentration de CO2 à l’horizon 2100 est comprise entre 593 et 748 ppm suivant les scénarios de croissance de la population proposé par l’ONU, ce qui correspond à des écarts de température attendus par rapport à 2010 compris entre 1,95 et 3,44 °C,

3)     ces écarts de température sont dans la fourchette des prévisions du GIEC de 2007 comprises entre 0,6 et 4 °C (1,1 et 6,4 °C avec l’intervalle probable), et de 2013 entre 1 et 3,7 °C (0,3 et 4,8 °C avec la plage probable) dans l’autre,

 

4)      que pour les conditions d’émission préconisées par Nicholas Stern : « au moins 50 % de réduction (par rapport au niveau de 1990) pour l'ensemble de la planète d'ici à 2050 et au moins 80 % pour les pays riches à la même date »,

a)      la population pauvre (87% de celle de la planète) devrait en moyenne renoncer à leurs 2,59 t/an de CO2 et les réduire à 1,30 t/an à l’horizon 2050, consommation moyenne d’un Indien en 2005, 

b)      la population riche (13% de celle de la planète) devrait en moyenne renoncer à leurs 15,53 t/an de CO2 et les réduire à 1,95 t/an à l’horizon 2050, consommation moyenne d’un Chinois en 1986-1987,

5)      que pour les conditions d’émission préconisées par Barack Obama pour les États-Unis : « des réductions d’émissions de 80% (de GES) par rapport à 1990 (4,88 Gt) » en 2050 et « de revenir aux niveaux de 1990 en 2020 » les américains moyens devront :

A)    diminuer leurs émissions de GES de de 0,036 Gt par an (depuis 2012) pendant huit ans,

B)     diminuer leurs émissions de GES de de 0,17 Gt par an (à partir de 2020) pendant trente ans,

C)     passer de 20,7 t/habitant en 2012 à 3,1 t/habitant de GES en 2050 ce qui correspond aux émissions per capita de CO2 d’un Chinois en 2002-2003,

6)      quel que soit le choix du scénario de réduction des émissions de CO2 proposé, le stock de GES dans l’atmosphère continuera à augmenter (en particulier pour le CO2 d’une « durée de vie » très longue),

7)      si rien ne vient contredire la relation établie entre l’augmentation du stock CO2 et la température cette dernière augmentera inexorablement,

 8)      tenant compte que ni les scientifiques du GIEC et « à fortiori » nous-mêmes ne serons plus capables en 2100 de vérifier le bienfondé des hypothèses ayant permis de faire nos prévisions, toute discussion sur leur validité est superflue.

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Notes et références
[1] http://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/20120124.AFP5419/2011-annee-la-plus-chaude-dans-l-arctique-depuis-50-ans-selon-un-expert.html
[2] http://www.lemonde.fr/planete/article/2011/12/27/2011-annee-la-plus-chaude-en-france-depuis-un-siecle_1623016_3244.html
[3] GIEC, 2007 : Bilan 2007 des changements climatiques. Contribution des Groupes de travail I, II et III au quatrième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat [Équipe de rédaction principale, Pachauri,R.K. et Reisinger, A. (publié sous la direction de)]. GIEC, Genève, Suisse, 103 pages.
[4] ARMATTE (M) ; DUPUY (JP) ; GODARD (O) ; KAUL (I) ; SCHELLING (T) ; SOLOW (R) ; STERN (N) ; STERNER (T) ; TOUFFUT (JP) ; WEITZMAN (M), Changement de climat, changement d'économie ? Colloque du Centre Cournot pour la recherche en économie, Albin Michel, Paris, 2011, p.67-68
[5] Le CH4 (méthane) est considéré comme un gaz à effet de serre dont l’activité est 26 fois supérieure à celle du CO2. Sa concentration se mesure en parts par milliard (ppb) tandis que celle du CO2 en parts par million (ppm) – 1000 ppb=1 ppm - 1 ppb CH4 ≈ 0,026 ppm CO2.
[6] Aux derrières nouvelles  les plantes  rejettent du méthane en quantités  importantes, entre 62 et 236 Mt/an, soit 1,6 et 6,1 Gt/an équivalent CO2 (voir Frank Keppler, John T. G. Hamilton, Marc Braß et Thomas Röckmann, Methane emissions from terrestrial plants under aerobic conditions, Nature 439, 187-191 (12 January 2006), http://www.nature.com/nature/journal/v439/n7073/full/nature04420.html) ce qui est considérable.
[7] TORN (Margaret S).and HARTE (John), Missing feedbacks, asymmetric uncertainties, and the underestimation of future warming, Geophysical Research Letters, Vol. 33, L10703, 2006. http://www.webpages.uidaho.edu/envs501/downloads/Torn%20%26%20Harte%202006.pdf
[8] PETIT (J. R.) et al., Climate and atmospheric history of the past 420,000 years from the Vostok ice core, Antarctica, NATURE, Vol. 399,  3 JUNE 1999, p. 429-436
[9]The close correlation of GhG (Greenhouse gas) concentrations with temperature over repeated glacial-interglacial cycles and the absence of any known independent source of variability in their concentrations suggest that the changes in their levels were caused by changes in climate” [Ref. 4].
[10] STAUFFER (Bernhard), Climate change : Cornucopia of  ice core results, NATURE, Vol. 399, 3 JUNE 1999, p. 412-413.
[11] TORN (Margaret S).and HARTE (John),  Missing feedbacks, asymmetric uncertainties, and the underestimation of future warming, Geophysical Research Letters, VOL. 33, 2006; http://www.webpages.uidaho.edu/envs501/downloads/Torn%20%26%20Harte%202006.pdf
[12] Un mécanisme d’interaction de certains processus du système climatique est appelé rétroaction climatique lorsque le résultat d’un processus initial provoque, dans un second processus, des changements qui influent à leur tour sur le processus initial. Une rétroaction positive renforce le processus initial, alors qu’une rétroaction négative l’atténue.
[13] Fraction du rayonnement solaire réfléchi par une surface ou un objet, souvent exprimée en pourcentage. Les surfaces enneigées ont un albédo élevé, les sols de surface ont un albédo élevé à faible et les surfaces couvertes de végétation et les océans ont un albédo faible. L’albédo de la Terre varie principalement en fonction de la nébulosité, de l’enneigement, de l’englacement, de la surface  foliaire et des variations du couvert terrestre.
[14] Cette augmentation du niveau de la mer (140 mm/70 ans =2 mm/an) semble être très faible par  rapport à celle qui a eu lieu dans le passé récent de notre planète. Ainsi, Jean-François Bourillet et Samuel Toucanne de l’IFREMER écrivent (voir http://wwz.ifremer.fr/webtv/Conferences/Les-variations-passees-du-niveau-de-la-mer) « Comme à de nombreuses reprises au cours du Quaternaire (derniers 2,6 millions d’années), le niveau de la mer était 120 mètres sous le niveau actuel il y a encore 20 000 ans en raison de l’apogée de la dernière période glaciaire. Ces variations importantes du niveau de mer ont laissé des traces encore visibles sur le fond des mers, au large des côtes bretonnes, mais également sur le continent en raison de la réorganisation profonde des fleuves » Il s’agit d’une augmentation de 6 mm 3 (120 m/20000ans) supérieure par un facteur trois de celle qu’on nous annonce !
[15] « La température moyenne à la surface du globe présente une grande variabilité aux échelles décennale et interannuelle qui se superpose à un réchauffement multidécennal considérable. En raison de la variabilité naturelle, les tendances calculées sur des séries courtes sont très sensibles à la date de début et de fin de la période considérée, et ne reflètent généralement pas les tendances climatiques de long terme. Par exemple, le rythme du réchauffement sur les 15 dernières années (1998−2012; 0,05 [−0,05 à +0,15] °C par décennie), qui débutent par un fort épisode El Niño, est inférieur à la tendance calculée depuis 1951 (1951−2012; 0,12 [0,08 à 0,14] °C par décennie) » Changements Climatiques 2013 : Les éléments scientifiques, Résumé à l’intention des décideurs, p.3. http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg1/WG1AR5_SPM_brochure_fr.pdf
[16] Thomas Schelling, prix Nobel en 2014, ne dit pas autre chose et va plus loin puisque il admet que « avec un objectif du type « réduction de 80 % d'ici à 2050 », qui pourra dire au bout de dix quinze ou vingt ans, si on est en bonne voie pour atteindre cet objectif ? » et ajoute « je suis très sceptique sur l’efficacité des grandes déclarations pour dans quarante ans… ». ARMATTE (M) et al., 2011, p.211.
[17] ARMATTE (M) et al., 2011, p.103 et 105.
[18] World Population Prospects, the 2010 Revision, http://esa.un.org/unpd/wpp/Excel-Data/population.htm
[19] GIEC, 2007, Genève, Suisse, p. 7.
[20] « Le canevas A1 fait l’hypothèse d’un monde caractérisé par une croissance économique très rapide, un pic de la population mondiale au milieu du siècle et l’adoption rapide de nouvelles technologies plus efficaces. Cette famille de scénarios se répartit en trois groupes qui correspondent à différentes orientations de l’évolution technologique du point de vue des sources d’énergie : à forte composante fossile (A1FI), non fossile (A1T) et équilibrant les sources (A1B). Le canevas B1 décrit un monde convergent présentant les mêmes caractéristiques démographiques qu’A1, mais avec une évolution plus rapide des structures économiques vers une économie de services et d’information. Le canevas B2 décrit un monde caractérisé par des niveaux intermédiaires de croissances démographique et économique, privilégiant l’action locale pour assurer une durabilité économique, sociale et environnementale. Enfin, le canevas A2 décrit un monde très hétérogène caractérisé par une forte croissance démographique, un faible développement économique et de lents progrès technologiques. Aucun de ces scénarii ne s’est vu affecter un niveau de probabilité »
[21] http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg1/WG1AR5_SPM_brochure_fr.pdf
[22] https://www.ipcc.ch/pdf/special-reports/spm/sres-fr.pdf, p. 3. « Les émissions futures de gaz à effet de serre sont le produit de systèmes dynamiques très complexes déterminés par des forces motrices telles que la croissance démographique, le développement socio-économique et l'évolution technologique. Leur évolution future est hautement incertaine »
[23] http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/ONERC_decouvrir_scenarios_Giec.pdf . Les profils représentatifs d’évolution de concentration (RCP : representative concentration pathway) sont des scénarii de référence de l'évolution du forçage radiatif sur la période 2006-2300.
[24] ARMATTE (M) et al., 2011, p.70-71.
[25] ARMATTE (M) et al., 2011, p.174.
[26] ARMATTE (M) et al., 2011, p.144.
[27] GIEC, 2007, Genève, Suisse, p. 53.
[28] World Population Prospects, The 2010 Revision, United Nations, 2011 (http://esa.un.org/unpd/wpp/Documentation/pdf/WPP2010_Volume-I_Comprehensive-Tables.pdf)
[29] Archives de Documentation de la FAO, Agriculture Mondiale : Horizon 2010, Chapitre 2, Figure 2.1,  (http://www.fao.org/docrep/003/V4200F/V4200F03.htm)
[30] Changements climatiques, catastrophes  naturelles et déplacement humain : une perspective du HCR, 23 octobre 2008, 12 pages. http://www.aidh.org/climat/Images/Note_HCR_10_08.pdf
[31] http://www.images.hachette-livre.fr/media/contenuNumerique/029/3205021434.pdf (le 12/02/2012)
[32] United Nations, Communiqué de presse POP/843, Le nombre de migrants dans le monde atteint 175 millions. http://www.un.org/esa/population/publications/ittmig2002/press-release-fr.htm (le 14/02/2012)
[33] United Nations, Department of Economic and Social Affairs, Population Division (2011). World Population Prospects: The 2010 Revision, Net number of migrants (both sexes combined) is the number of immigrants minus the number of emigrants..
[34] ARMATTE (M) et al., 2011, p.54-55
[35] Voir aussi à ce sujet ARMATTE (M) et al., 2011, p.135-.
[36] ARMATTE (M) et al., 2011, p.142-143.
[37] Le Groenland (qui signifie « terre verte ») a pour ainsi dire « bon dos » puisque la situation prédite par Martin Weitzman  s’est déjà produite. En effet,  « durant la période de l'histoire de l'Europe connue sous le nom de Moyen -Age, un climat chaud, qui a duré à peu près de 900 à 1200 après J.-C. a dominé la plus grande partie de l'Europe; il fut appelé Optimum Médiéval. Cette période a permis à l'homme de s'installer dans des régions qui seraient aujourd'hui considérées comme trop rudes sur le plan climatique. Durant l'Optimum Médiéval, on cultivait l'avoine et l'orge en Islande et la vigne prospérait dans  le sud de l'Angleterre. Les forêts canadiennes s'étendaient beaucoup plus loin vers le nord qu'elles ne le font aujourd'hui, les colonies agricoles prospéraient dans les hautes terres du nord de l'Ecosse et une colonie viking était établie au Groenland. L'Optimum Médiéval se termina au XIIIe siècle et fut remplacé par 600 années de refroidissement prononcé. Le froid s'intensifiant, cette période est devenue connue sous le nom de Petit Age Glaciaire. La couverture de neige et de glace n'avait jamais été aussi étendue depuis le Pléistocène et ses immenses glaciers. Les colonies vikings qui existaient au Groenland entre 985 et 1500 après J.-C. disparurent. Les forêts d'Amérique du Nord se retirèrent vers le sud et, dans le nord de l'Europe, les canaux étaient souvent gelés pendant tout l'hiver, bloquant les transports par voie d'eau » Texte extrait de http://www.fao.org/docrep/v5240f/v5240f05.htm, William M. Ciesla, Le Changement Climatique, les Forêts et l'Aménagement Forestier: Aspects Généraux. (Etude FAO Forêts - 126). D’ailleurs, la vigne prospère aussi aujourd’hui dans le sud de l'Angleterre (voir « En Angleterre, le réchauffement climatique fait le bonheur de la vigne », Le Monde, 14/08/2013, édition Internet, http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/08/14/en-angleterre-le-rechauffement-climatique-fait-le-bonheur-de-la-vigne_3461186_3244.html).
[38] Nicholas Stern est l’auteur d’un rapport sur l’économie des changements climatiques commandé par le gouvernement britannique et publie en 2006.  http://www.hmtreasury.gov.uk/d/stern_longsummary_french.pdf.
[39] ARMATTE (M) et al., 2011, p.54.
[40] ARMATTE (M) et al., 2011, p.63.
[41] ARCHER, D. (2005), Fate of fossil fuel CO2 in geologic time, J. Geophys. Res., 110, C09S05, doi:10.1029/2004JC002625.
[42] ARMATTE (M) et al., 2011, p.204-206.
[43] ARMATTE (M) et al., 2011, p.191.
[44] Ibid. p. 187-188
[45] La population sous-alimentée représente le nombre d’habitants d’un pays qui ne reçoivent pas une quantité suffisante de nourriture. http://www.geopopulation.com/statistiques-mondiales/population/population-sous-alimentee/ (le 21/02/2012)
[46] Cité par Nicholas Stern dans ARMATTE (M) et al., 2011, p.207.
[47] Les émissions de CO2 sont comprises entre 81 et 84% des émissions de GES.
[48] http://www.epa.gov/climatechange/ghgemissions/inventoryexplorer/#iallsectors/allgas/gas/current, EPA, Greenhouse Gas Inventory Data Explorer.
[49] ARMATTE (M) et al., 2011, p.209.
[50] Ibid., p. 200.
[51] Ibid., p. 204.
[52] Ibid., p. 124-125.
[53] L’Express, édition internet du 11/01/2012.  http://www.lexpress.fr/actualites/1/societe/fraude-a-la-tva-sur-le-marche-carbone-la-justice-prononce-de-lourdes-peines_1070400.html
[54] 20 minutes, édition Internet du 11/01/2012. http://www.20minutes.fr/article/857196/fraude-tva-marche-carbone-decision-mercredi
[55] Le Monde, Économie & entreprise, 24/08/2013, p. 3. Voir aussi http://www.scoop.it/t/nucleaire-et-renouvelables-dans-la-transition-energetique?page=9, L'Allemagne rase des villages entiers pour pouvoir exploiter du charbon. Voir aussi http://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0303-competitivite-energie-et-climat-quelles-priorites-pour-l-europe « l'Allemagne a accru sa production de gaz à effet de serre nonobstant son programme d'énergies renouvelables, du fait de la nécessité d'user d'autres moyens de production lorsque les énergies renouvelables intermittentes ne sont pas disponibles, et aussi du fait d'une tarification qui a pour effet de substituer des installations de charbon à celles fonctionnant au gaz »
[56] Voir http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/feeling_the_heat/items/3297.php,  United Nations Framework Convention on Climate Change. Entre autres choses, « Le Mécanisme de Développement Propre (MDP) … fonctionne de la manière suivante: les pays industrialisés payent pour des projets qui réduisent ou évitent des émissions dans des nations moins riches et sont récompensés de crédits pouvant être utilisés pour atteindre leurs propres objectifs d’émissions. Les pays receveurs bénéficient gratuitement  de technologies avancées qui permettent à leurs usines ou leurs installations générant de l’électricité d’opérer de manière plus efficace. Tout ceci à bas coût et générant des profits élevés. L’atmosphère y est d'autant plus épargnée car les futures émissions sont plus faibles que prévues ». En outre, « Les compagnies ou investisseurs privés s’intéressent au MDP car il leur permet de générer des profits. Les entreprises effectuent le travail nécessaire en proposant de nouvelles technologies. Cela leur confère une bonne réputation et ainsi, elles attirent de nouvelles ventes. Le possible bénéfice pour tous, serait que les profits des entreprises soient réinvestis pour des technologies toujours plus utiles et propres »
[57] Voir http://www.compensationco2.fr/servlet/KBaseShow?sort=-1&cid=21238&m=3&catid=21252, ADEME, Le portail de la compensation volontaire des gaz à effet de serre en France.
[58] http://www.goodplanet.org/projet/reservoirs-a-biogaz-au-mali/. C’est ainsi que on propose aux maliens, qui ne disposent que de l’émissions de quelque 50 kg de CO2 par tête d’habitant de « Contribuer à la lutte contre le changement climatique en substituant le bois, le kérosène ou les piles salines par l’utilisation du biogaz », comme si leur minuscule contribution, comparée à celle de la moyenne de la population mondiale, 4000 kg par habitant, n’était pas déjà suffisamment faible. Ceci est d’autant plus choquant que ce qui proposent ces « programmes » le font pour compenser leurs « émissions de CO2 générées par (leurs) activités (trajets, énergie, achats, impressions, etc.) » dans le cadre d’activités fort lucratives.

 

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Date de dernière mise à jour : 05/07/2021

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Le 11 juillet dernier l’ONU[1] nous faisait connaitre que « La population mondiale devrait atteindre 8 milliards [huit mille millions] d'habitants le 15 novembre 2022 ». En 2015, quand je me suis engagé dans la construction de ce site, nous n’étions que 7,38 milliards, ce qui représente « grosso modo » une augmentation de quelque 620 millions en huit ans (2015 à 2022 comprises), soit une croissance de plus de (620/7) 89 millions/an. Entre ces deux dates il y a eu un accident - la Covisd-19 en 2020 et 2021. Il fut la cause d’une diminution par rapport à la moyenne - suivi, si l’on croit les annonces de l’ONU, par une spectaculaire augmentation, estimée[2],  au bas mot, à 123 millions en 2022 (Table 1).

Table 1 – Évolution de la population mondiale entre 2015 et 2022
Données d’après
https://population.un.org/wpp/Download/Standard/MostUsed/                                    

ANNÉE

POPULATION

AUGMENTATION

2015

7 383 240

 

2016

7 469 955

86 715

2017

7 556 993

87 038

2018

7 642 651

85 658

2019

7 724 928

82 277

2020

7 804 974

80 045

2021

7 876 932

71 958

2022

8 000 000*

123 068

 

MOYENNE

88 109

     *  Estimation

Entre ces deux dates  les émissions de CO2[3]sont passées (arrondies au digit supérieur) de 33 à 36,3[4] Gt. Un calcul très simple montre que, si l’on considère les erreurs intrinsèques à l’estimation de ces chiffres, rien n’a changé entre les discours emphatiques et prometteurs de la COP 21 en 2015 et aujourd’hui.

En effet, la Table 2 résume ces données et montre que la moyenne des émissions de CO2 par tête d’habitant de la planète reste sensiblement la même, en dépit de la diminution des activités et l’augmentation des décès dus à la COVID-19 et ses variantes de 2020 à 2022.

Table 2 – Population et émissions de CO2 en 2015 et 2022
Données d’après
https://www.iea.org/reports/global-energy-review-co2-emissions-in-2021-2

ANNÉE

POPULATION

ÉMISSIONS CO2

ÉMISSION CO2 /HABITANT

 

Md

Gt

t

2 015

7,38

33,00

4,50[5]

2 022

8,00*

36,30*

4,54

*  Estimation

Ceci veut dire aussi que les décès ne compensent pas les naissances, qui se poursuivent inexorablement, même si la fécondité a diminué globalement, passant de 3,2 à 2,4 enfants/femme[6] entre 1990 et 2020. Et qui plus est, ces nouveaux nés arrivent en apportant, probablement à leur corps défendant,  une contribution aux émissions de CO2 presque égale à la contribution moyenne de chacun des êtres humains vivants au moment de leur naissance.  Elle est par ailleurs supérieure à celle déclarée nécessaire (2t), au cours d’une émission récente sur Public Senat, pour la subsistance d’un bébé[7].  Cette donnée est cependant 30 fois inférieure à celle annoncée (58.6 t) par une étude suédoise[8] de 2017. Contentons-nous donc de la statistique globale de la Table 2 et admettons que les petits émettent autant que les grands !

Ces 620 millions (9% de la population totale de 2015) de petits et jeunes enfants, dont l’âge maximale est inférieur à 7 ans, ne devraient pas contribuer substantiellement à une quelconque augmentation de la richesse, puisqu’ils ne sont pas en âge de le faire. Or, la Table 3 montre qu’entre 2015 et 2022 la population a augmenté de 9%, le PIB mondial de plus de 30% et celui per capita (dont les 620 millions de petits de moins de sept ans) de 20% ! Et ceci en dépit des conséquences de la « guerre » contre la Covid-19, qui aurait dû se traduire par, a minima, une stagnation de la richesse mondiale et une diminution des émissions de CO2

Table 3 – Population et PIB en 2015 et 2022
Données d’après
https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.GDP.MKTP.CD et https://thedocs.worldbank.org/en/doc/18ad707266f7740bced755498ae0307a-0350012022/related/Global-Economic-Prospects-June-2022-Chapter-1-Highlights-FR.pdf

ANNÉE

POPULATION

PIB MONDE

PIB/HABITANT

 

 

Md

1000*Md $

$

 

2 015

7,34

75,23

10 249,32

 

2 022

8

98,89

12 360,86

 
 

9

31,4

20,6

AUGMENTATION %

 

Quoi conclure de ces chiffres ?

Si l’on est optimiste on aurait tendance à dire qu’en dépit du « cataclysme[9] » de la Covid 19 tous les indicateurs de croissance - population, richesse (PIB), émissions[10] de CO2, espérance de vie à la naissance, etc. – sont au vert et qu’ils risquent de continuer ainsi et se stabiliser, avec un peu de chance, quand « la fécondité étant en baisse » « Le nombre de personnes habitant sur la planète devrait … avoisiner les 11 milliards à la fin du siècle[11]»

Si l’on est pessimiste on pourrait espérer un vrai « cataclysme[12] », qui dépasserait en magnitude et gravité celui qui nous est prédit depuis plus de trente ans par les 26 COPs successives.

La guerre en Ukraine, dont les prémices - en termes stratégiques, économiques (micro et macro), financiers, politiques, sociétales, etc. – se font sentir avec une acuité peu courante pourrait être le déclencheur (détonateur ?) d’un nouveau paradigme de l’humanité. Et seulement de l’humanité puisque notre planète est, et restera encore pour des milliards d’années, totalement indifférent à notre existence, comme elle l’a été au cours des milliards d’années qui ont précédé notre présence pensante sur la mince croute terrestre.  

                                                                                                                             Daniel H. Fruman
                                                                                                                             14/08/2022

[2] La population en 2022 ne tient pas compte de l’augmentation probable entre le 15/11 et le 31/12/2022.

[4] On a pris la valeur des émissions en 2021puisque l’on n’a pas trouvé encore des estimations pour 2022. On peut cependant prévoir qu’elles seront beaucoup plus élevées. 

[5] En 2019 les émissions per capita en France étaient identiques à la moyenne monde - 4,469 t - suivant les données de la Banque Mondiale https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/EN.ATM.CO2E.PC?locations=FR

[5] Émission Sens Public sur Public Senat du 21/07/2022 22:00. « Un bébé 2t/an »

[7] Émission Sens Public sur Public Senat du 21/07/2022 22:00. « Un bébé 2t/an »

[9] « Le cataclysme du Covid-19 doit servir de catalyseur pour redéfinir notre politique du grand âge » (lemonde.fr). Bouleversement causé par un tremblement de terre, par un cyclone et par extension Désastre, bouleversement complet dans la situation d'un État, d'un groupe, d'une personne ; catastrophe.