COMMENTAIRE D'UN ARTICLE PARU DANS LE MONDE DU 25/05/2015

ERREUR OU DÉSINFORMATION

Dans son édition papier du 25 mai 2015 Le Monde publie en page 6 sous la plume de Laurence Caramel un article intitulé « Les Ethiopiens veulent se développer sans polluer » avec le sous-titre « Le pays veut rejoindre d’ici dix ans les pays émergents sans émettre une tonne supplémentaire de CO2 » (voir ci-dessous). La lecture des deux textes – titre et sous-titre – laisse entendre que « sans polluer » est associé à « sans … une tonne supplémentaire de CO2 ».  

Titre lemonde 1

Or, une première désinformation apparaît immédiatement puisque le CO2 peut être accusé de beaucoup de maux mais certainement pas d’être un polluant. L’existence de la matière vivante sur notre planète est bien le résultat de la présence de CO2 dans son atmosphère ; il est nécessaire d’une part pour modérer les températures et d’autre part pour constituer des produits carbonnés dont nous sommes le résultat. L’homme lui-même est un excellent concentrateur de CO2 puisqu’il l’inhale à une concentration de quelques 300 ppm (parts par million) et l’exhale à une concentration de l’ordre de 45000 ppm, soit 150 fois plus concentré sans que cela ne perturbe aucunement son organisme. Que l’on sache personne n’est mort d’une consommation exagérée d’eau pétillante pouvant contenir, pour l’une des plus connues, jusqu’à 7 grammes par litre de CO2 suivant les conditions de pression et température. Bien entendu, la consommation excessive de champagne ou d’autres boissons moussantes alcoolisées peut causer  des dommages mais certainement pas à cause de leur contenu en CO2

La seconde désinformation concerne l’encarté intitulé « LES CHIFFRES » à droite de la page (voir ci-dessous). Le texte « Les émissions de l’Éthiopie équivalent à celles des Pays Bas (16,8 millions d’habitants pour une population proche de 100 millions d’habitants » est tout à fait fausse et interpole allégrement au présent la dernière phrase de l’article qui explicite que « …si l’Éthiopie réussit son pari, le bilan carbone de ses 125 millions d’habitants prévus en 2030 sera identique à celui des Pays-Bas aujourd’hui ».

Titre lemonde 2

Ce texte, tout à fait fallacieux, donne à penser que c’est aujourd’hui que les émissions des éthiopiens et des néerlandais sont équivalentes (égales ?) et cache le fait qu’en 2010 la population éthiopienne était de 87,09 millions (http://esa.un.org/wpp/unpp/p2k0data.asp) et les émissions de CO2 de 6 494 kilotonnes (kt) tandis que les Pays-Bas émettaient 182 078 kt  pour 16,61 millions d’habitants. Donc, les émissions de l’Éthiopie étaient en 2010 presque trente fois plus faibles que celles des Pays-Bas ce qui est loin d’être équivalent. En termes d’émission per capita de CO2 on a 0,07 et 10,96 t pour un éthiopien et un néerlandais respectivement, soit un rapport de 147. Ces chiffres auraient permis aux lecteurs du Monde d’avoir une idée précise de l’écart abyssal entre les habitants de ces deux pays.

Il est dommage qu’un article, somme toute didactique et bien écrit, soit ainsi « pollué » par des ajouts éditoriaux conduisant à une désinformation qui n’est pas digne d’un journal comme Le Monde.

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Date de dernière mise à jour : 05/07/2021

8 000 000 000

Le 11 juillet dernier l’ONU[1] nous faisait connaitre que « La population mondiale devrait atteindre 8 milliards [huit mille millions] d'habitants le 15 novembre 2022 ». En 2015, quand je me suis engagé dans la construction de ce site, nous n’étions que 7,38 milliards, ce qui représente « grosso modo » une augmentation de quelque 620 millions en huit ans (2015 à 2022 comprises), soit une croissance de plus de (620/7) 89 millions/an. Entre ces deux dates il y a eu un accident - la Covisd-19 en 2020 et 2021. Il fut la cause d’une diminution par rapport à la moyenne - suivi, si l’on croit les annonces de l’ONU, par une spectaculaire augmentation, estimée[2],  au bas mot, à 123 millions en 2022 (Table 1).

Table 1 – Évolution de la population mondiale entre 2015 et 2022
Données d’après
https://population.un.org/wpp/Download/Standard/MostUsed/                                    

ANNÉE

POPULATION

AUGMENTATION

2015

7 383 240

 

2016

7 469 955

86 715

2017

7 556 993

87 038

2018

7 642 651

85 658

2019

7 724 928

82 277

2020

7 804 974

80 045

2021

7 876 932

71 958

2022

8 000 000*

123 068

 

MOYENNE

88 109

     *  Estimation

Entre ces deux dates  les émissions de CO2[3]sont passées (arrondies au digit supérieur) de 33 à 36,3[4] Gt. Un calcul très simple montre que, si l’on considère les erreurs intrinsèques à l’estimation de ces chiffres, rien n’a changé entre les discours emphatiques et prometteurs de la COP 21 en 2015 et aujourd’hui.

En effet, la Table 2 résume ces données et montre que la moyenne des émissions de CO2 par tête d’habitant de la planète reste sensiblement la même, en dépit de la diminution des activités et l’augmentation des décès dus à la COVID-19 et ses variantes de 2020 à 2022.

Table 2 – Population et émissions de CO2 en 2015 et 2022
Données d’après
https://www.iea.org/reports/global-energy-review-co2-emissions-in-2021-2

ANNÉE

POPULATION

ÉMISSIONS CO2

ÉMISSION CO2 /HABITANT

 

Md

Gt

t

2 015

7,38

33,00

4,50[5]

2 022

8,00*

36,30*

4,54

*  Estimation

Ceci veut dire aussi que les décès ne compensent pas les naissances, qui se poursuivent inexorablement, même si la fécondité a diminué globalement, passant de 3,2 à 2,4 enfants/femme[6] entre 1990 et 2020. Et qui plus est, ces nouveaux nés arrivent en apportant, probablement à leur corps défendant,  une contribution aux émissions de CO2 presque égale à la contribution moyenne de chacun des êtres humains vivants au moment de leur naissance.  Elle est par ailleurs supérieure à celle déclarée nécessaire (2t), au cours d’une émission récente sur Public Senat, pour la subsistance d’un bébé[7].  Cette donnée est cependant 30 fois inférieure à celle annoncée (58.6 t) par une étude suédoise[8] de 2017. Contentons-nous donc de la statistique globale de la Table 2 et admettons que les petits émettent autant que les grands !

Ces 620 millions (9% de la population totale de 2015) de petits et jeunes enfants, dont l’âge maximale est inférieur à 7 ans, ne devraient pas contribuer substantiellement à une quelconque augmentation de la richesse, puisqu’ils ne sont pas en âge de le faire. Or, la Table 3 montre qu’entre 2015 et 2022 la population a augmenté de 9%, le PIB mondial de plus de 30% et celui per capita (dont les 620 millions de petits de moins de sept ans) de 20% ! Et ceci en dépit des conséquences de la « guerre » contre la Covid-19, qui aurait dû se traduire par, a minima, une stagnation de la richesse mondiale et une diminution des émissions de CO2

Table 3 – Population et PIB en 2015 et 2022
Données d’après
https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.GDP.MKTP.CD et https://thedocs.worldbank.org/en/doc/18ad707266f7740bced755498ae0307a-0350012022/related/Global-Economic-Prospects-June-2022-Chapter-1-Highlights-FR.pdf

ANNÉE

POPULATION

PIB MONDE

PIB/HABITANT

 

 

Md

1000*Md $

$

 

2 015

7,34

75,23

10 249,32

 

2 022

8

98,89

12 360,86

 
 

9

31,4

20,6

AUGMENTATION %

 

Quoi conclure de ces chiffres ?

Si l’on est optimiste on aurait tendance à dire qu’en dépit du « cataclysme[9] » de la Covid 19 tous les indicateurs de croissance - population, richesse (PIB), émissions[10] de CO2, espérance de vie à la naissance, etc. – sont au vert et qu’ils risquent de continuer ainsi et se stabiliser, avec un peu de chance, quand « la fécondité étant en baisse » « Le nombre de personnes habitant sur la planète devrait … avoisiner les 11 milliards à la fin du siècle[11]»

Si l’on est pessimiste on pourrait espérer un vrai « cataclysme[12] », qui dépasserait en magnitude et gravité celui qui nous est prédit depuis plus de trente ans par les 26 COPs successives.

La guerre en Ukraine, dont les prémices - en termes stratégiques, économiques (micro et macro), financiers, politiques, sociétales, etc. – se font sentir avec une acuité peu courante pourrait être le déclencheur (détonateur ?) d’un nouveau paradigme de l’humanité. Et seulement de l’humanité puisque notre planète est, et restera encore pour des milliards d’années, totalement indifférent à notre existence, comme elle l’a été au cours des milliards d’années qui ont précédé notre présence pensante sur la mince croute terrestre.  

                                                                                                                             Daniel H. Fruman
                                                                                                                             14/08/2022

[2] La population en 2022 ne tient pas compte de l’augmentation probable entre le 15/11 et le 31/12/2022.

[4] On a pris la valeur des émissions en 2021puisque l’on n’a pas trouvé encore des estimations pour 2022. On peut cependant prévoir qu’elles seront beaucoup plus élevées. 

[5] En 2019 les émissions per capita en France étaient identiques à la moyenne monde - 4,469 t - suivant les données de la Banque Mondiale https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/EN.ATM.CO2E.PC?locations=FR

[5] Émission Sens Public sur Public Senat du 21/07/2022 22:00. « Un bébé 2t/an »

[7] Émission Sens Public sur Public Senat du 21/07/2022 22:00. « Un bébé 2t/an »

[9] « Le cataclysme du Covid-19 doit servir de catalyseur pour redéfinir notre politique du grand âge » (lemonde.fr). Bouleversement causé par un tremblement de terre, par un cyclone et par extension Désastre, bouleversement complet dans la situation d'un État, d'un groupe, d'une personne ; catastrophe.