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10 ANS APRÈS

QUE RESTE-T-IL DE LA COP 21 ?

Avant toute autre chose il me semble opportun de rappeler, à la mémoire de mes trop peu nombreux lecteurs, la vidéo qui a immortalisé la cérémonie de clôture de la COP21, présidée par Laurent Fabius, à l’aéroport du Bourget[1].  Au cours de cette pièce d’anthologie de l’autosatisfaction le Président COPté a paru «  à plusieurs fois retenir ses sanglots en annonçant la signature d'un accord qualifié d'"historique" », en ajoutant, comble de l’émotion, que  "Le terme 'historique' est souvent galvaudé, mais en l’occurrence il est justifié : cette conférence de Paris écrit l’histoire." Ce fut le samedi 12 décembre 2015. Dix ans bientôt…

Il est temps de tenter, modestement, de faire un bilan des accomplissements qui ont concrétisé cet accord historique pour limiter le réchauffement climatique entre 1,5° C et 2° C. Je vous invite, avant de continuer la lecture de ce texte, à lire la note que j’ai publiée, un an après la signature de l’accord, pour vous rafraîchir la mémoire sur les objectifs à atteindre et les moyens destinés à ce faire. En résumant, il fallait « contenir l’élévation de la température de la planète en dessous de 2 °C en ramenant les émissions à 40 gigatonnes (Convention-cadre sur les changements climatiques, 12 décembre 2015, p.4/39)»

Quels sont les outils statistiques qui nous permettent de faire une évaluation de l’adaptation des moyens mis en œuvre, volontairement ou « accidentellement », pour atteindre les objectifs ci-dessus : ramener les émissions à 40 gigatonnes, à l’horizon 2025/2030, qui est déjà le nôtre.

Ils se réduisent, à mon humble avis, à l’étude de l’évolution de la population mondiale, élément majeur totalement ignoré dans la convention-cadre et responsable, par sa seule présence, de 17 à 18% des émissions de CO2 anthropique en 2014, et du PIB mondial, qui permet la vie de cette population toujours en croissance et toujours demandeuse de plus de biens de consommation qui requièrent de l’énergie. La conséquence la plus sensible de ces deux facteurs conjugués est  l’émission de CO2 provenant des combustibles fossiles  nécessaires à leur survie et à leur bien-être.

En dépit des « années Covid » la population a poursuivi sa croissance et généré, chaque année, l’équivalent d’un nouveau pays, presque aussi peuplé que la Thaïlande, avec 70941484 habitants !

Le PIB a subit des fluctuations : diminue entre 2014 et 2017 et reprend ensuite une montée régulière interrompue par une chute limitée en 2020, mais s’en sort avec une croissance de presque 40% !  

Par contre, les émissions de CO2 ont eu une vie agitée avec une montée spectaculaire entre 2016 et 2019 suivie d’une chute brutale et considérable en 2020, année Covid, récupérée par une croissance, d’amplitude presque identique à la chute, en 2021 et une croissance lente ensuite avec une nouvelle chute, modérée celle-ci, en 2024, Fig. 1. Globalement elle s’en sort avec une croissance de seulement 5% en onze ans.

Figure 23

Figure 1

Table 1 : population mondiale, PIB mondial, émissions totales de CO2, provenant uniquement des combustibles fossiles + ciment (sans changement d’usage des terres) et émission moyenne par habitant de l’année 2004 à 2024. Données : BM pour population, FMI pour PIB, Global Carbon Project pour CO2

Table 14

Quelle est la part que l’on peut attribuer à l’augmentation de la population et celle due à la hausse du PIB ? Supposons que, par acte de magie, l’habitant de 2024 émettait autant de CO2 que celui de 2014. Les émissions auraient été alors de (POP2024*CO22014) 39,25 Gt. Si l’on pondère les émissions par le PIB ((POP2024*CO22014) *PIB2024/PIB2014) les émissions auraient été alors de 54,25 Gt !!! Si l’on avait pris une hypothèse BAU (Business As Usual) et l’on choisissait comme référence la croissance des émissions de la décennie[2] précédente ((POP2024*CO22014) *CO22014/CO22004) on atteindrait 49,38 Gt.

Ces résultats sont rassemblés dans le Tableau 2 et montrent, de façon que nous croyions incontestable, que les émissions globales réelles sont largement inférieures de celles répondant à des scénarios de croissance plausibles. C’est une très bonne nouvelle pour tous ceux qui se sont employés à promouvoir une société énergétiquement plus sobre. 

Table 2 : Émission réelle en 2024 et émissions attendues suivant trois scenarios : même émission per capita qu’en 2014, même émission per capita qu’en 2014 pondérée par l’augmentation des émissions de la décennie précédente, même émission per capita qu’en 2014 pondérée par l’augmentation du PIB de la décennie 2014-2024    

Table 15

Rétrospectivement on peut se dire que les larmes contenues de Laurent Fabius étaient justifiées, quoique la tendance, non pas à la réduction mais à la stabilisation des émissions de CO2,  restent très modestes par rapport aux objectifs capables de « sauver la planète ».

Ce sauvetage est déjà fort compromis puisque entre 1950 et 2015 nous avions « déversé » dans l’atmosphère plus de 1200 Gt de CO2, qui sont venues s’ajouter à celles qui étaient déjà là après 4,5 milliard d’années d’existence de la planète. Pendant les onze années considérées dans cette note on a « injecté » quelques 400 Gt supplémentaires, soit presque 35 % supplémentaires. La conséquence a été que la concentration de CO2 a augmenté de 25 ppm, ce qui a provoqué que l’écart annuel de température mondiale[3], rapporté par le site de globalwarming, qui était de 1,01 °C en 2014 a atteint 1.6 °C en 2024, soit une augmentation de presque 0.6 °C par décennie.

Je ne vois pas, dans ces conditions, comment nous serions capables de « contenir l’élévation de la température de la planète en dessous de 2 °C en ramenant les émissions à 40 gigatonnes » dans les décennies qui viennent.

Mais, soyons confiants puisque la COP 30, qui se tiendra à Belém[4], Brésil, du 6 au 21 novembre 2025 saura, n’en doutons pas et comme la COP 21, « dresser le bilan de l'ambition collective des engagements déterminés au niveau national, préparer leur mise en œuvre à horizon 2035 et corriger tout déficit d'ambition si ces engagements ne sont pas alignés avec les objectifs de l'Accord[5] ».  

 

[1] C’est bien cocasse d’avoir choisi un aéroport, berceau du trafic aérien, pour accueillir une assemblée qui considère ce même trafic aérien comme un des plus importants fléaux de l’humanité à cause de ses inadmissibles émissions de CO!  

[2] Je suis conscient qu’il ne s’agit pas d’une décennie puisqu’il s’agit d’onze ans.

[3] Différence entre la valeur moyenne annuelle de température et la moyenne de la période 1850-1900.

[5] Remarquez la précision et la clarté de ce paragraphe, qui provient d’un site dont le titre comporte le mot « comprendre » ! Il faudrait demander l’avis d’un sémanticien, et encore, pour l’interpréter !

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Date de dernière mise à jour : 06/11/2025